Asie

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L'Asie forme le plus vaste (30 % des terres émergées) et le plus peuplé (près de 60 % de la population mondiale) des continents. Les limites sont nettes au nord (océan Arctique), à l'est (océan Pacifique) et au sud (océan Indien). En revanche, elles le sont moins à l’ouest et au sud-ouest ; par convention, on considère que l'Oural sépare l'Asie de l'Europe (à l'ouest) et que l'isthme de Suez la sépare de l'Afrique (au sud-ouest). Toute la partie continentale est dans l'hémisphère Nord (entre 1° et 77° de latitude) ; seules des îles d'Indonésie sont situées au sud de l'équateur. De l'ouest à l'est, le continent s'étire sur 164° de longitude.
L’Asie peut être divisée en grands ensembles distincts :
– l'Asie occidentale (Proche-Orient et Moyen-Orient) ;
– l'Asie septentrionale (comprenant la partie asiatique de la Russie) ;
– l'Asie méridionale (ou Asie du Sud) ;
– l'Asie centrale ;
– l'Asie du Sud-Est ;
– l'Asie orientale (ou Extrême-Orient).

  • Superficie : 44 millions km2
  • Population : 4 494 000 000 hab. (estimation pour 2017)

GÉOGRAPHIE

1. Le milieu naturel

Comparée aux autres continents, l'Asie possède l'altitude moyenne (environ 950 m) la plus élevée, nonobstant la présence des dépressions les plus profondes du monde. Le centre du continent est en effet occupé par le plus important ensemble montagneux de la planète, qui s'étire du Taurus à l'archipel de la Sonde et qui englobe notamment l'Himalaya (8 848 m à l'Everest) ; cependant que le fond du lac Baïkal se situe à moins de 1 300 m au-dessous du niveau de la mer. Les forts contrastes de relief se retrouvent aussi le long des façades sud et est du continent, avec des grandes chaînes volcaniques qui bordent les fosses océaniques les plus profondes (fosses d'Indonésie, des Philippines, des Ryukyu, du Japon, des Kouriles, du Kamtchatka). Les montagnes se succèdent en chaînes orientées, pour l'essentiel, d'est en ouest (chaînes Pontique et du Taurus, du Caucase, de l'Hindu Kuch, de l'Himalaya, du Tian Shan, des Qinling) et s'infléchissent vers le sud dans la partie sud et orientale du continent (Arakan Yoma, Grand Khingan). Ces massifs, parfois volcaniques (surtout à l'est et dans le sud-est insulaire), enserrent des plaines ou des plateaux : Anatolie, plateau iranien, Tibet, Ordos, plaine de Mandchourie.

Les grands fleuves de l'Asie des moussons y ont trouvé les matériaux des plaines alluviales et deltaïques (plaine indo-gangétique, delta du Mékong, grandes plaines de Chine).

Au nord et au sud, de vastes régions de plaines et de plateaux correspondent à la présence de boucliers cristallins précambriens (Arabo-syrien, Deccan, Turkestan, Sibérie orientale), parfois recouverts d'épais sédiments (Sibérie occidentale).

2. Le climat

L'extension en latitude explique la diversité des climats. On y vit en effet sous un climat continental en Sibérie, aux hivers longs et froids et aux étés brefs et chauds. Le sol, constamment gelé en profondeur, porte une maigre végétation, la toundra (à laquelle succède, vers le sud, la taïga). Au sud, de la mer Caspienne jusqu'au Gobi, c'est un climat désertique ou du moins aride (avec une maigre steppe) aux forts contrastes thermiques. Également désertiques mais constamment chauds sont les climats de l'Arabie au Sind. Tout le Sud-Est, plus chaud, est affecté par la mousson, qui apporte des pluies d'été, essentielles pour l'agriculture. La forêt dense recouvre partiellement l'Insulinde (Bornéo et Sumatra notamment), constamment et abondamment arrosée.

3. La population

L'Asie est une mosaïque de peuples, de cultures et de religions. L'étendue ainsi que le relief montagneux ou désertique qui compartimente le continent ont permis à des communautés humaines de développer des spécificités culturelles. Pourtant, les voies commerciales, spécialement les routes du thé, ont favorisé l'interpénétration de certains aspects des cultures. L'islam et le bouddhisme en sont les exemples les plus frappants, qui se sont répandus depuis leur foyer respectif (Arabie, Inde) jusqu'en Extrême-Orient. Ces échanges ont façonné l'Asie contemporaine, plus profondément et durablement que les bouleversements dus aux guerres, dont pourtant le continent a été le théâtre permanent dans son histoire.

La démographie de l'Asie est « excessive », avec à la fois des déserts et des steppes sous-peuplées et des zones de surpopulation extrême dans les deltas et les plaines alluviales. Ce continent est le plus peuplé de la planète, avec plus de 4 milliards d'habitants et deux États – la Chine et l'Inde – qui dépassent, chacun, le milliard d'habitants. Il serait absurde d'établir une densité moyenne de population tant les contrastes sont grands. Les États des steppes et des hauts plateaux, où l'on trouve de vastes déserts, sont en effet sous-peuplés (comme la Mongolie, avec une densité de 1,5 habitants par km2) tandis que les États de l'Asie des moussons sont surpeuplés (comme le Bangladesh, avec une densité de plus de 900 habitants par km2). La plupart des pays d'Asie ne connaissent pas le contrôle des naissances et ont un taux de croissance naturel de plus de 2 % l'an. La forte natalité (autour de 35 ‰) est compensée par une mortalité encore élevée (11 à 12 ‰), notamment la mortalité infantile (91 ‰ au Pakistan). À l'exception du Japon, déjà confronté au vieillissement de sa population, les pays les plus développés économiquement sont entrés dans la première phase de la transition démographique, liée à la baisse de la mortalité (5 ‰ en Malaisie, 11 ‰ pour la mortalité infantile). Mais la baisse du taux de croissance (autour de 1,5 ‰) est très lente en raison de la forte natalité des années passées, dont les conséquences démographiques s'étendent sur plusieurs générations ; c'est notamment le cas pour la Chine, où le contrôle des naissances est aujourd'hui rigoureux et, dans une moindre mesure, pour l'Inde.

4. L'économie

4.1. L'agriculture, entre tradition et modernité

Le poids démographique global et l'existence d'une population encore massivement rurale expliquent que l'agriculture soit dominée par des productions vivrières, le riz, grande céréale de l'Asie des moussons – on parle de « civilisation du riz » – et le blé, le maïs et l'orge que l'on trouve au Proche-Orient et au Moyen-Orient. En Extrême-Orient, hors ceinture des moussons, blé, maïs et sorgho dominent (Chine centrale). Les vastes régions semi-arides sont consacrées pour l'essentiel à l'élevage. Dans la partie occidentale de l'Asie (y compris ici la partie ouest de la Chine), l'élevage demeure également une des bases de la subsistance, mais l'économie traditionnelle, fondée sur le nomadisme, est bouleversée par l'effort des États pour favoriser la sédentarisation (Arabie saoudite, Chine) ou par la modernisation des méthodes (Iran). S'y ajoutent les productions de fruits et légumes quand le climat s'y prête (l'Asie occidentale, l'Asie méridionale, et encore, dans une moindre mesure, la Mongolie).

4.2. L'eau, défi majeur du xxie s.

Le problème capital de l'Asie est celui de l'eau, soit parce qu'elle manque (Proche- et Moyen-Orient, nord et nord-ouest de l'Asie orientale), soit en raison de son abondance (Asie méridionale). Si la maîtrise de l'eau a toujours constitué dans l'histoire de l'Asie une donne majeure dans le jeu du pouvoir, depuis l'Antiquité jusqu'à nos jours (barrage d'Assouan en Égypte, crues du Yangzi Jiang en Chine), ses enjeux contemporains apparaissent de plus en plus nettement (Israël/territoires palestiniens-Syrie, Turquie/Syrie-Iraq, etc.) en raison de l'augmentation spectaculaire du besoin généré par l'industrialisation des méthodes de culture (Arabie saoudite, Israël), mais aussi à cause de la pollution dont les effets s'aggravent dans les pays nouvellement industrialisés (Asie orientale et Asie du Sud-Est).

4.3. Des ressources abondantes mais inégalement réparties

Les ressources énergétiques sont globalement très importantes, mais insuffisantes pour les grands centres industriels d'Asie orientale. Le Japon, la plus grande puissance industrielle de la région (et la deuxième du monde), dépend ainsi largement du reste du monde – et, notamment, du Moyen-Orient – pour son approvisionnement énergétique.

L'Asie produit en effet 40 % du pétrole mondial et même plus de la moitié si l'on ajoute la production russe (surtout en Sibérie occidentale, qui dispose aussi de gigantesques ressources en gaz naturel) à la production du Moyen-Orient, de l'Asie centrale, de la Chine et de l'Indonésie. Toutefois, la partie de l'Asie qui consomme le plus d'hydrocarbures, l'Asie orientale, doit importer l'essentiel de sa consommation ; elle produit en effet seulement 10 % des hydrocarbures de la planète et ses réserves sont évaluées, au mieux, à 5 % des réserves mondiales, alors qu'elle consomme le quart de la production mondiale.

Cela explique l'importance stratégique des exploitations offshore d'hydrocarbures en mer de Chine – jusqu'à ce jour très décevantes – et des lieux de passage obligés des pétroliers. Ceux-ci transportent chaque année quelque 500 millions de tonnes du précieux carburant, depuis le golfe Persique jusqu'au Japon et en Corée du Sud, par les détroits de Malacca et de Lombok, et, dans le sens Asie-Europe, des chargements de conteneurs ou d'automobiles (on compte 300 passages de navires par jour à la hauteur de Singapour).

En Asie, 53 % de l'énergie industrielle et 55 % de l'électricité proviennent encore du charbon ; la moitié de la production mondiale y est d'ailleurs extraite si l'on prend en considération le bassin sibérien du Kouzbass.

Enfin, l'hydroélectricité est très en retard sur les possibilités naturelles : si le barrage des Trois-Gorges, en Chine, sur le Yangzi Jiang, est opérationnel, l'aménagement du Mékong demeure à l'état de projet.

HISTOIRE

L'Asie offre un contraste extraordinaire entre les grandes unités territoriales et culturelles d'une part et le morcellement des populations, des traditions ou des langues d'autre part. À l'Inde et à la Chine densément peuplées, par exemple, s'opposent les États d'Asie occidentale du Proche- et du Moyen-Orient, situés à la jonction de trois continents (Europe, Afrique, Asie). Berceau des trois grandes religions monothéistes (judaïsme, christianisme et islam), des deux grandes religions de l'Asie orientale (hindouisme et bouddhisme) et de nombreuses disciplines spirituelles (confucianisme, taoïsme, etc.), le continent est divisé entre de nombreuses ethnies et religions.

Asie occidentale, la question de l'identité

La conquête arabe et l'expansion islamique ont profondément marqué cette partie du monde. Notons cependant que l'islam s'est répandu bien au-delà des limites de l'Asie occidentale : en Chine, en Indonésie, au Pakistan et en Asie centrale.

Une région convoitée, déchirée par les conflits

Après l'effondrement de l'Empire ottoman, les richesses pétrolières ont fait du Moyen-Orient l'enjeu de rivalités entre les grandes puissances, compliquées à la fois par l'accession de tous les États de la région à l'indépendance après la fin de la Seconde Guerre mondiale, puis par les effets de la renaissance islamique.

Mais l'histoire contemporaine de l'Asie occidentale est avant tout marquée par le conflit israélo-palestinien qui plonge ses racines dans la question plus fondamentale de cette région, celle des nationalités et, au-delà, celle de l'identité. Ce problème est issu à la fois de l'éclatement d'un grand empire multiethnique et multiculturel, l'Empire ottoman à la fin de la Première Guerre mondiale, et de la décolonisation.

En réaction à l'interférence occidentale par le biais de la colonisation s'est développée la recherche d'identité, sur laquelle est venue se greffer la résurgence de l'islam. La Turquie ne cesse d'osciller, par exemple, entre un pôle islamique traditionaliste et un pôle laïc progressiste. La question kurde, mais aussi et surtout l'écartèlement entre modernisme et traditionalisme, sont à l'origine de la révolution islamique en Iran (1979). La crainte de l'influence révolution islamique iranienne sur sa majorité chiite pousse l'Iraq à déclencher une guerre très meurtrière contre l'Iran en 1980 (guerre Iran-Iraq).

À ce schéma conflictuel sont venus s’ajouter les enjeux du pétrole. Ainsi, sorti puissamment armé mais fragile économiquement de sa guerre contre l'Iran, l'Iraq a envahi le Koweït en raison de la production de pétrole koweïtien qui menaçait ses revenus, déclenchant alors la réaction d'une coalition internationale (guerre du Golfe).

Israël et les Arabes

Plus au sud, le Proche-Orient, qui fait partie du monde méditerranéen, entretient avec l'Europe des relations depuis toujours déterminantes. Son histoire renvoie à celle de l'expansion européenne. Elle est aussi marquée par la présence en son centre de Jérusalem, ville sacrée pour les Juifs, les chrétiens et les musulmans. La radicalisation contemporaine des conflits est le résultat combiné des décolonisations et du sort particulier du peuple juif. Après la fin du mandat britannique en Palestine, la proclamation d'indépendance de l'État d'Israël (1948) a entraîné quatre guerres israélo-arabes, qui se sont accompagnées de conquêtes territoriales au détriment de l'Égypte, de la Jordanie, de la Syrie et des Palestiniens.

La globalisation actuelle agit exactement comme à l'époque des empires centralisateurs et niveleurs (URSS comprise) : loin d'une uniformisation, elle favorise les singularités nationales comme les solidarités transnationales. Ainsi, à l'intérieur des États (Liban, par exemple), l'argument de la « menace israélienne », comme celui de la « subversion islamiste », ne parviennent plus à occulter la contestation latente des populations qui se paupérisent.

Quant aux solidarités transnationales naissantes, elles résultent de réactions à des événements extérieurs. Ainsi, le changement de stratégie des États-Unis, qui sont passés du containment (« endiguement ») de l'Iraq (guerre du Golfe) à une politique plus radicale visant à renverser le régime de Saddam Husayn, ne parvient pas à rallier le consentement du monde arabe, sensible à la question de la solidarité panarabique ou panislamique selon les cas.

Asie méridionale et centrale, l'affirmation de souveraineté

L'Asie méridionale et les radicalismes religieux

En Asie méridionale et dans la majeure partie de l'Asie centrale, la notion d'identité prend tout son sens, spécialement sous l'impulsion de la renaissance de l'islam.

Au moment de l'indépendance de l'Inde, la scission de la partie traditionnellement musulmane (Bengale) de l'ancien empire donne naissance au Pakistan (1947), lui-même confronté par la suite à la scission de sa partie orientale, avec la fondation du Bangladesh en 1971. Guerres, massacres et transferts massifs de populations, en fonction des confessions religieuses, n'ont cessé d'attiser depuis l'hostilité entre ces États au sujet du Cachemire) et l'explosion sporadique d'affrontements interethniques ou confessionnels à l'intérieur de ceux-ci. Face au Pakistan qui bénéficie généralement du soutien des pays islamiques, l'Inde accentue l'affirmation de sa souveraineté sous la férule nationaliste hindoue. Elle poursuit en outre son installation dans le statut de grande puissance, comme en témoignent son intervention dans le conflit tamoul au Sri Lanka (1987-1990) et les essais nucléaires auxquels elle procède à partir de 1998 ; les menaces de conflit entre l’Inde et le Pakistan sont récurrentes, et réapparaissent à l'occasion de chaque nouvelle crise majeure. Le Bangladesh, pour sa part, se débat dans sa recherche d'identité.

En Afghanistan, enfin, après la campagne de frappes américaines et la chute des talibans fin 2001, un gouvernement intérimaire multiethnique, regroupant en son sein les adversaires d'hier, est mis en place. Le maintien de ce fragile équilibre est un défi de taille pour ce pays ravagé depuis plusieurs décennies par des guerres (notamment contre l’URSS dans les années 1980).

L'Asie centrale, à la conquête difficile de sa liberté

En Asie centrale, région longtemps placée sous l'influence soviétique, des États musulmans sont nés (Kirghizistan, Ouzbékistan, Tadjikistan, Turkménistan et Kazakhstan) après la dislocation de l'URSS en 1991. Le développement de la production de pétrole et de gaz naturel (mer Caspienne) ainsi que la construction ou l'agrandissement des oléoducs et des gazoducs vers la mer Noire, la Méditerranée, le golfe Persique et la Chine sont devenus le moteur essentiel de la puissance publique dans ces Républiques.

Identité nationale et réaction à la colonisation ont gouverné l'histoire récente de la région. Objet de la rivalité entre les Empires britannique et russe à la fin du xixe siècle, l'Asie centrale, au carrefour des civilisations perse, turque et mongole, reste un patchwork d'ethnies et de cultures. Avant que ne s'exerce la tutelle soviétique, qui a abouti à une division entre États linguistiquement distincts (persophones, turcophones, slavophones), ces peuples se pensaient turcs (Turkestan) sans se reconnaître dans une véritable identité nationale.

Sous le régime soviétique, le concept de nation a progressé en dépit du nivellement communiste, mais il manque encore de maturité. Aussi le vide laissé par l'URSS en 1991 n'a-t-il pas été comblé par la Communauté des États indépendants (CEI). L'affirmation de souveraineté pousse ces États, en réaction contre l'ancienne puissance tutélaire, à rechercher des alliances en direction de la Turquie, de l'Iran ou du Pakistan.

Mais, sans tradition d'organisation administrative, à la souveraineté encore mal assise et n'ayant pas encore entamé d'évolution démocratique, ils sont confrontés à l'émergence revendicatrice des particularismes. Aux questions ethniques s'ajoutent la multiplication des oppositions politiques et la poussée des mouvements islamistes fondamentaux.

Comme ailleurs en Asie, des signes de solidarité panasiatique et la globalisation (implication accentuée de l'Union européenne et des États-Unis, par exemple) peuvent laisser espérer l'intervention de facteurs d'apaisement dans les crises identitaires liées à la naissance d'États-nations (crise tadjike dans les années 1990).

Dans le cadre de leur campagne antiterroriste lancée au lendemain des attentats du 11 septembre, les États-Unis prennent pied durablement dans la région en déployant leurs troupes dans plusieurs États (Ouzbékistan, Kirghizistan), ou dans le Caucase (Géorgie, Azerbaïdjan), au grand dam de la Russie qui y voit cependant une remise en cause de sa domination dans son ancien pré carré.

Asie du Sud-Est, le retour à l'unité

L'Asie du Sud-Est, qui comprend la péninsule indochinoise et les États insulaires du Sud-Est, est en partie épargnée par les questions d'identité.

Pays de la péninsule indochinoise

Influencés d'un côté par la civilisation indienne et de l'autre par la civilisation chinoise, les peuples de la péninsule indochinoise ont trouvé depuis longtemps leur propre voie culturelle, en général du côté de la symbiose des influences, dans des États fortement unitaires en raison des longues luttes que les populations locales ont dû mener pour survivre. Tous colonisés par l'Occident, ces pays ont hérité avec leur indépendance soit de problèmes de souveraineté avec leurs voisins (Thaïlande, Viêt Nam), soit de difficultés consécutives à l'adoption du modèle communiste (Laos, Cambodge).

La Thaïlande, dotée d'institutions mal adaptées, comme en témoignent les nombreux coups d'État de son histoire récente – malgré une identité forte cimentée par sa royauté –, a longtemps été confrontée à un voisinage difficile avec le Viêt Nam (afflux de réfugiés de la guerre du Viêt Nam, puis réfugiés du Cambodge et du Laos, et pression vietnamienne sur ses frontières). Mais sa marche vers la prospérité économique tend, malgré les crises, à l'asseoir dans une position régionale éminente.

Le Viêt Nam, dont l'unité et l'identité n'ont cessé de se forger dans les guerres, a su conquérir un statut de puissance régionale (renversement des Khmers rouges au Cambodge en 1979, résistance victorieuse à l'invasion chinoise de 1979) en dépit de contentieux de souveraineté qui perdurent avec la Chine (îles Spratly).

Le Cambodge tente difficilement de retrouver l'harmonie entre les factions issues de l'une des plus sanglantes guerres civiles de l'histoire, mais conserve son unité grâce notamment à la famille royale des Sihanouk.

Le Laos, quant à lui, est marqué par une dictature qui a du mal à assurer un décollage économique.

Franges insulaires

La question de l'identité ne se retrouve plus que dans les franges insulaires de la zone (Malaisie, Indonésie, Philippines), où les mélanges de populations, dans des régions situées traditionnellement sur les grandes voies maritimes et commerciales, et la difficile coexistence des religions – de l'islam en particulier avec les autres religions (bouddhisme et christianisme) – reposent le problème de l'unité. Ces pays ont connu une forte progression économique, mais les crises de croissance récentes et la résurgence des problèmes ethniques compromettent leur prospérité naissante.

L'Indonésie en outre n'est pas épargnée par les questions de souveraineté (Timor oriental, Aceh, Irian Jaya ou Papouasie-Occidentale) et les Philippines sont confrontées à des mouvements indépendantistes.

Enfin, la Birmanie, divisée entre communautés ethniques et religieuses hostiles les unes aux autres, ne parvient pas encore à trouver une unité autrement que sous la poigne d'une junte militaire.

Asie orientale, la rivalité des ambitions

La crise identitaire est dépassée en Asie orientale (ou Extrême-Orient), grâce à la forte unité culturelle héritée de l'histoire, ainsi qu'à l'antériorité d'organisations politiques centralisées et hiérarchisées. Subsistent néanmoins des problèmes issus de la décolonisation et liés à l'affirmation de souveraineté et à la reconquête d'un prestige passé.

Réussite économique et tensions persistantes

Une des singularités de l'Asie orientale, partagée dans une moindre mesure par l'Asie méridionale, par rapport à l'Asie occidentale, provient de ce qu'elles cumulent les records mondiaux. On y trouve en effet les deux États milliardaires en hommes (Chine et Inde) et quatre autres pays dépassant les cent millions d'habitants (Indonésie, Pakistan, Japon et Bangladesh). En outre, la Chine et le Japon occupent respectivement le 2e et 3e rang mondial pour leur PNB. La région du Pacifique, dont ces pays constituent la façade orientale, promet d'ailleurs de devenir le centre de gravité du xxie s.

Cette émergence illustre un mouvement d'oscillation caractéristique de l'histoire de l'Asie qui a vu alterner des périodes où les empires des steppes concentraient le pouvoir et d'autres où sa façade maritime dominait le continent.

Dans une perspective d'histoire contemporaine, la guerre froide a marqué la région en radicalisant des oppositions idéologiques qui ont agi à l'encontre de l'unité nationale (fondation de Taïwan, division mongole, partage de la péninsule coréenne en deux États distincts à l'issue de la guerre de Corée, invasion du Tibet).

Cet héritage de divisions internes, accentué par les rivalités entre souverainetés concurrentes, fait qu'en dépit des succès économiques, l'Asie orientale demeure un théâtre de tensions, où de nombreuses frontières sont l'objet de litiges, notamment autour des îles, dont on suppose que les sous-sols marins regorgent de richesses naturelles (îles Paracel et îles Spratly).

Vers la mise en place d'une autorité régionale, difficile mais nécessaire

Conséquence de cette instabilité, on assiste à des tentatives pour organiser une autorité régionale, ou, au moins, pour jeter les bases d'un marché commun de la région du Pacifique, à l'instar de ce qui se passe en Europe et en Amérique. Mais ni l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN) et ni la Coopération économique Asie-Pacifique (APEC) ne parviennent à transcender les rivalités ou à résoudre les crises telles que celle qui a secoué cette partie du monde de 1997 à 1999 (crise asiatique).

Cette difficulté à mettre en place une coopération régionale est illustrée également par les tentatives infructueuses de neutralisation atomique de la région, la seule de la planète à avoir connu une utilisation militaire de l'arme nucléaire, en août 1945, à Hiroshima et à Nagasaki. En Asie du Sud, l'Inde et le Pakistan refusent d'adhérer au traité de non-prolifération nucléaire (TNP) et procèdent à des essais nucléaires. En Extrême-Orient, la Corée du Nord exerce un chantage : l'abandon de ses projets d'armement nucléaire contre des aides alimentaires et techniques massives.

Dépourvue de regroupements régionaux, l'Asie orientale est à un moment clé de son histoire. Les décollages économiques réussis et ceux qui s'annoncent génèrent des malaises internes et des troubles sociaux (Indonésie, Corée du Sud, Chine) et des tensions régionales susceptibles de la faire dégénérer en zone à hauts risques diplomatiques et militaires, en raison notamment de la réticence du Japon à assumer ses responsabilités régionales en matière militaire depuis le désengagement américain intervenu à la fin des années 1990, de la montée en puissance de la Chine, ou des hésitations de la politique étrangère des États-Unis. Mais, en même temps, la globalisation agit plus nettement qu'en Asie occidentale en faveur d'une cohérence panasiatique, peut-être en raison de l'interdépendance économique des marchés locaux, de plus en plus marquée et vitale à la poursuite du développement.