Suisse : histoire

La Confédération suisse des huit cantons vers 1385
La Confédération suisse des huit cantons vers 1385

1. Les origines de la Confédération suisse

1.1. Colonie romaine

Occupée par les Celtes (Helvètes, Allobroges, Rauraques…) et les Rhètes depuis le premier millénaire (La Tène), le territoire de ce qui deviendra la Suisse est conquis et annexé par Rome entre le iie-ier siècle avant J.-C. et ier siècle avant J.-C. (Insubri du Tessin ; Allobroges et Genève ; Rhètes) et le ier siècle après J.-C. : les Helvètes, installés sur le plateau suisse, sont alors définitivement soumis en 69-71 après J.-C. et leur chef-lieu transformé en colonie romaine (Aventicum, Avenches) rattaché, de même que les colonies de Nyon et d'Augst, à la province de Gaule belgique puis de Germanie supérieure. La romanisation donne ainsi naissance à une société gallo-romaine dominante dans les régions qui parlent, encore aujourd'hui, une langue romane (Suisse romande, italienne et rhéto-romane).

1.2. Burgondes et Alamans

Le pays acquiert sa spécificité culturelle à partir des grandes invasions du ve siècle. Son territoire se partage alors entre les Burgondes, déjà chrétiens, qui se fondent aisément dans la population latinisée autochtone (ils s'installent de part et d'autre du Jura et du Léman) et les Alamans – païens et plus farouches – qui refoulent les anciens habitants et germanisent le bassin du Rhin et de l'Aar inférieur. Convertis par des missionnaires francs et surtout irlandais (saint Gall, saint Colomban), soumis aux souverains francs entre les vie et viiie siècles, les Alamans poursuivent leur expansion au-delà de l'Aar, remontant même les vallées alpines et isolant les parlers romanches.

2. Dans le Saint Empire romain germanique

Le Saint Empire romain germanique, fondé en 962, qui comprend dès cette époque le pays des Alamans, annexe en 1032 le royaume de Bourgogne, dont l'Helvétie fait partie. La paix retrouvée permet la renaissance du commerce alpin entre la Germanie et l'Italie et l'épanouissement d'une première vie urbaine (Zurich, Lucerne), tandis que les centres épiscopaux (Bâle, Lausanne, Genève) et monastiques (Saint-Gall) se développent.

Profitant de l'affaiblissement progressif de la puissance impériale, des États féodaux voient le jour dès le xie siècle. Le premier d'entre eux, celui des Zähringen (fin du xie-début du xiie siècle), s'étend au sud-ouest de la Souabe, sans parvenir à soumettre la Bourgogne cisjurane (future Franche-Comté), tandis que l'occupation du pays de Vaud par les ducs de Savoie au xiiie siècle limite au sud l'expansion des Zähringen.

En 1218, la mort de Berthold V fait passer une large fraction des possessions de cette famille d'abord aux Kybourg, puis aux Habsbourg, une famille anciennement implantée en Alsace mais aussi en Argovie ; au milieu du xiiie siècle, ces derniers, grâce à la protection des Hohenstaufen, contrôlent toute la Suisse centrale et occidentale et cherchent à affermir leur autorité en faisant administrer leurs possessions par des baillis. Cette initiative est ressentie comme une humiliation par les habitants qui, en outre, sont très attachés à leurs anciennes franchises. L'élection de Rodolphe de Habsbourg à l'Empire (1273) aggrave encore la situation puisqu'elle interdit désormais aux paysans d'opposer l'empereur à leur suzerain, les deux étant confondus.

3. Naissance, affermissement et émancipation de la Confédération (1291-1516)

3.1. Naissance

À la mort de Rodolphe, dans des circonstances mal connues qui donnèrent lieu à plusieurs mythes fondateurs dont celui forgé autour de la figure légendaire de Guillaume Tell), les trois cantons forestiers (Waldstätte) de Schwyz, Uri et Unterwald se lient par un pacte perpétuel (1er août 1291) pour défendre leurs libertés. C'est l'acte de naissance de la Confédération suisse.

3.2. Les premières alliances contre les Habsbourg

Les trois cantons sont désormais en lutte ouverte avec les Habsbourg. Ils soutiennent le candidat à l'Empire qui est hostile à ces derniers pour mieux profiter de l'immédiateté impériale qui les rend uniquement sujets de l'empereur et non plus suzerains intermédiaires. C'est ainsi qu'en 1309 ils obtiennent d'Henri VII de Luxembourg une charte confirmant tous leurs droits. En 1314, un conflit entre Schwyz et l'abbaye d'Einsiedeln, protégée des Habsbourg, provoque une guerre qui se termine par la défaite de Léopold d'Autriche à Morgarten (15 novembre 1315). Le pacte perpétuel est alors renouvelé à Brunnen, le 9 décembre 1315.

Le danger autrichien n'en est pas pour autant écarté et les trois cantons deviennent des exemples pour des communautés voisines elles aussi menacées ; cet exemple est d'autant plus attractif que toutes ces régions ont en commun les mêmes intérêts économiques. En 1230, Uri ouvre le col du Saint-Gothard, qui constitue le plus court chemin entre le Rhin et le Milanais. En 1235, la route du Simplon est mentionnée pour la première fois dans un document, tandis que la batellerie s'intensifie sur le Rhin et que l'abbaye de Saint-Gall exporte en Pologne les toiles travaillées par l'artisanat rural local.

En 1332, Lucerne s'allie aux trois cantons primitifs, puis c'est le tour de Zurich (1351), de Glaris et de Zoug (1352), enfin de Berne (1353), mais les liens qui unissent tous ces cantons entre eux sont souvent très lâches.

3.3. La paix perpétuelle avec les Habsbourg

Agrandissement du territoire

C'est le danger habsbourgeois qui va les resserrer ces liens. La guerre est marquée par la victoire de Sempach, où le duc Léopold III est tué (1386), et par celle de Näfels (1388). Par l'armistice de 1389, qui aboutira à la « paix perpétuelle » de 1474, les Habsbourg reconnaissent l'indépendance de la Confédération, qui est forte de huit cantons et de leurs agrandissements, la Suisse restant toutefois membre de l'Empire.

Les cantons, tout en restant liés entre eux, mènent leur propre politique extérieure et agrandissent leur territoire. Pourtant, les circonstances renforcent la cohésion de l'ensemble. Le « convenant » de Sempach fixe, en 1393, les obligations militaires de chacun de ses membres. La Confédération disposant d'une excellente armée organisée en masses profondes et pourvue d'artillerie dès le xve siècle, son aide est appréciée par les souverains étrangers. Ainsi, l'empereur Sigismond, en lutte contre Frédéric IV d'Autriche, obtient la collaboration des Suisses en 1415 et les pousse à s'emparer des possessions des Habsbourg au sud du Rhin ; ces territoires seront partagés entre Berne et les autres cantons.

S'intéressant aux débouchés italiens du Saint-Gothard, les cantons occupent la vallée de la Leventina dès 1403, et ils réunissent autour d'eux, soit par la négociation, soit par les armes, le Valais, Neuchâtel, Appenzell, Saint-Gall, Schaffhouse, Bienne, Mulhouse et Soleure : certains de ces territoires deviennent des cantons à part entière, d'autres sont liés à la Confédération par une alliance, d'autres encore sont sujets d'un ou de plusieurs cantons à qui ils doivent des redevances.

Cantons citadins contre cantons montagnards

L'unité de la Confédération est plusieurs fois remise en cause : les cantons citadins oligarchiques s'opposent aux cantons montagnards de tradition démocratique. En 1436, un conflit éclate entre Schwyz et Zurich pour la possession du comté de Toggenburg. Zurich fait appel aux Habsbourg, mais est vaincue par les autres cantons à Saint-Jacques sur la Sihl (1443). L'empereur demande alors à la France de détourner contre les cantons 40 000 mercenaires, qui l'emportent sur les confédérés près de Bâle, à Saint-Jacques sur la Birse (1444).

La croissance de l'État bourguignon menace directement Berne, soutenue par les autres cantons et par l'or de Louis XI. Victorieux de Charles le Téméraire à Grandson et Morat (2 mars et 22 juin 1476), les Suisses se divisent au lendemain du succès, les cantons montagnards craignant l'accroissement de la puissance des cantons citadins et surtout du puissant État de Berne.

L'unité retrouvée

Grâce à saint Nicolas de Flue, la paix intérieure est rétablie à la diète de Stans (1481), qui renouvelle entre les gouvernements – et non plus entre les peuples – la promesse de défense mutuelle contre les dangers intérieurs et extérieurs. Soleure et Fribourg entrent alors dans la Confédération. Vainqueurs de l'empereur Maximilien Ier dans la guerre de Souabe, les cantons lui imposent la reconnaissance de fait de leur indépendance par le traité de Bâle (1499). Devenue puissance internationale, la Suisse renforce ses frontières du Rhin, en admettant comme cantons à part entière Bâle et Schaffhouse (1501), puis Appenzell (1513).

3.4. L'affirmation d'une puissance militaire

À cette date, la Confédération compte treize cantons et constitue une véritable puissance militaire. Depuis longtemps, les mercenaires suisses étaient très recherchés par les princes européens et nombreux étaient les Suisses, manquant de terres ou avides de butin, qui s'engageaient dans les armées étrangères. Ils participent activement aux guerres d'Italie, d'abord aux côtés des rois de France, puis, sous l'influence du cardinal Schiner, un Valaisan évêque de Sion, ils rejoignent la Sainte Ligue patronnée par le pape Jules II (1510).

Tandis que les ligues grisonnes occupent la Valteline (1512), les Suisses prennent Milan pour le compte de son duc (décembre 1512) et battent les Français à Novare (1513), mais François Ier les défait à Marignan (1515) puis leur accorde l'avantageuse paix perpétuelle de Fribourg (novembre 1516). Celle-ci est transformée, le 5 mai 1521, en alliance offensive et défensive qui accorde au roi de France le droit de lever 6 000 mercenaires (plus tard 16 000), et qui place ainsi la Suisse dans l'orbite française (jusqu'en 1815).

4. De la Réforme au traité de Westphalie (1519-1648)

4.1. Les réformes de Zwingli et de Calvin

La nouvelle doctrine de Zwingli

Depuis longtemps, l'élite intellectuelle se passionne pour les controverses théologiques soulevées, en particulier, par les conciles de Constance (1414-1418) et de Bâle (1431-1449). Les imprimeries de Bâle et de Burgdorf diffusent les travaux des humanistes rhénans dont Bâle est alors l'un des foyers les plus brillants.

Zwingli commence dès 1519 à Zurich ses prédications et son explication serrée de l'Évangile, présentant, peu après Luther mais indépendamment de lui, une nouvelle doctrine. En 1525, après la sécularisation des biens du clergé, la suppression des images dans les églises et de la messe, l’instauration d’un consistoire chargé de la police des mœurs et des affaires matrimoniales, Zurich a complètement adopté la Réforme, suivie par Berne en 1528, Bâle et Schaffhouse en 1529. Le protestantisme triomphe également dans les villes alliées (Saint-Gall, Bienne, Mulhouse) et dans les bailliages communs.

Un équilibre précaire entre cantons catholiques et protestants

Les cinq cantons montagnards (Uri, Schwyz, Unterwald, Lucerne, Zoug), ainsi que Fribourg et Soleure, décidés à rester catholiques (dispute de Baden, 1526), s'allient au duc Ferdinand d'Autriche. Une première bataille à Kappel, en 1529, se termine par un compromis. Zwingli reprend l'offensive en 1531 contre les catholiques, mais il est tué à Kappel. Un équilibre précaire se maintiendra désormais entre les cantons catholiques, les plus nombreux, et les cantons protestants, les plus peuplés. Dans les cantons de Glaris et d'Appenzell, les deux confessions coexistent librement.

En vertu de la combourgeoisie Berne-Genève-Fribourg, Berne libère Genève de la menace savoyarde en occupant le pays de Vaud, l'année même où Calvin s'y établit à l'appel de Guillaume Farel (1536). Les diverses familles protestantes élaborent, grâce à Bullinger, une Confession de foi helvétique. Genève devient ainsi la « Rome du protestantisme », tandis que, sous l'influence du concile de Trente et des jésuites (fondation des collèges de Lucerne [1574] et de Fribourg [1580]), les cantons catholiques se renforcent.

Le partage du pays entre les deux confessions est un fait accompli. Entre les deux partis groupés en systèmes d'alliances opposées (ligue Borromée du nom de saint Charles Borromée unissant les catholiques, 1586) éclatent des crises très graves, surtout à la fin du xvie siècle.

4.2. Le traité de Westphalie

Mais l'attachement envers la Confédération – sauvegarde des libertés dans une Europe absolutiste – conduit les magistrats à se résigner à des arrangements pour préserver un équilibre fragile. C'est la raison pour laquelle les cantons pratiquent une stricte neutralité pendant toute la durée des guerres de Religion et de la guerre de Trente Ans, malgré l'annexion du pays de Gex par la France (1601) et les ultimes tentatives de la Savoie (« nuit de l'Escalade » au cours de laquelle le duc Charles Emmanuel tente sans succès de s'emparer de Genève, 11-12/21-22 décembre 1602).

Au traité de Westphalie (1648), les grandes puissances se mettent d'accord pour reconnaître de jure l'indépendance totale et la neutralité (officiellement déclarée par la diète en 1674) de la Confédération à l'égard de l'Empire.

5. L'expansion économique et le problème des institutions (1648-1792)

5.1. L'essor économique

Sur le plan social, un fossé se creuse entre un patriciat de plus en plus fermé et des classes populaires de plus en plus misérables, surtout dans les villes, bien qu'on assiste également à un essor de l'agriculture (défrichements, vins de Vaud et de Neuchâtel). L'essor économique est surtout dû aux progrès des communications. Le Valaisan Kaspar Stockalper négocie avec Milan le transport des marchandises italiennes par le Simplon ; au début du xviiie siècle, un entrepreneur tessinois améliore l'accès du col du Saint-Gothard en perçant un court tunnel dans les gorges de la Reuss.

Le textile, lui aussi, connaît une grande expansion grâce au travail de la soie introduit par des protestants italiens et tessinois, auquel vient s'ajouter celui de la laine, accompli par des huguenots français, et, à partir du xviiie siècle, celui du coton. Berne fabrique des armes, et l'horlogerie commence à se développer à partir du xviie siècle (Le Locle, La Chaux-de-Fonds). Toutes ces productions, le plus souvent exportées, enrichissent le patriciat urbain, qui investit ses bénéfices dans des activités bancaires, en particulier à Zurich, Genève, Bâle et Berne.

La Confédération réussit à écarter la France de la succession de Neuchâtel, au profit de la Prusse, plus lointaine et, donc, moins dangereuse (1707). Elle apaise les querelles religieuses au traité d'Aarau, favorable aux cantons protestants (1712).

5.2. La sclérose des institutions

Mais, sur le plan institutionnel, la sclérose est complète. D'une part, la diète reste impuissante malgré les aménagements du pacte confédéral (1777), d'autre part, dans les villes, les oligarchies se ferment de plus en plus sur elles-mêmes, suscitant l'envie des non-privilégiés et de ceux qui ne peuvent obtenir la bourgeoisie (droit de cité, citoyenneté) du lieu où ils résident. Cet antagonisme devient d'autant plus vif qu'il coïncide avec les progrès de la propagation des Lumières et des idées de Jean-Jacques Rousseau. Ainsi, les Genevois se révoltent à plusieurs reprises (1738, 1768, 1782) ; à chaque fois, les Suisses et les Français imposent des compromis favorables aux anciens magistrats.

Dans un tel contexte, la Révolution française rencontre à ses débuts un large écho en Suisse et, malgré le massacre des mercenaires aux Tuileries ( journée du 10 août 1792), de nombreux démocrates helvétiques se réfugient en France ; leur Club helvétique (plus de 300 membres) devient rapidement un foyer de propagande révolutionnaire.

6. La Confédération et la Révolution (1793-1814)

La France occupe en 1792 l'évêché de Bâle et en fait le département du Mont-Terrible l'année suivante. En 1796, Bonaparte rattache la Valteline à la République Cisalpine, et le Directoire – s'appuyant sur le Club helvétique, animé par La Harpe, et sur la propagande démocratique de Pierre Ochs, à Bâle – suscite des troubles.

Le 24 janvier 1798, les villes vaudoises proclament leur indépendance. Quelques jours plus tard, l'armée française occupe le pays de Vaud et, le 5 mars, entre à Berne. Une République helvétique, dotée d'une Constitution unitaire, est imposée par Paris et par son représentant, le général Brune ; mais, bien vite, la nouvelle République, amputée de territoires jurassiens, sombre dans l'anarchie. Bonaparte impose, en février 1803, l'Acte de médiation, qui reconstitue l'organisation confédérale mais qui lui laisse, en fait, le contrôle du pays. Le Blocus continental ruine l'économie, sauf la nouvelle industrie mécanique, mais les travaux routiers (amélioration du Grand-Saint-Bernard et aménagement du Simplon) faciliteront la reprise ultérieure.

7. La Confédération au temps des libéraux (1814-1848)

7.1. Le congrès de Vienne (30 mai 1814)

L'effondrement napoléonien entraîne l'abrogation de l'Acte de médiation par la diète (décembre 1813). Les anciens gouvernements sont rétablis, mais les six cantons (Saint-Gall, Grisons, Argovie, Thurgovie, Tessin et Vaud) créés par Bonaparte en 1803 demeurent et ce sont vingt-deux cantons qui concluent un nouveau pacte confédéral (7 août 1815).

Le congrès de Vienne restitue à la Suisse les territoires annexés par la France et reconnaît la neutralité perpétuelle du pays. La diète reste une simple réunion d'ambassadeurs sans pouvoir réel ; le directoire fédéral est exercé à tour de rôle par Zurich, Berne et Lucerne, et le seul organe permanent est la chancellerie fédérale. Les cantons se dotent de gouvernements conservateurs, mais la prospérité renaît (début du tourisme, inauguré par des Britanniques, construction de la route carrossable du Saint-Gothard).

7.2. La guerre du Sonderbund

Pourtant, les difficultés réapparaissent. La multiplication des machines, surtout textiles, inquiète les ouvriers (émeutes de 1832 à Uster et Schaffhouse). En outre, le retour de l'ordre ancien et son inefficacité irritent les classes moyennes, de même que les interventions de Metternich. L'opposition libérale, encouragée par les événements parisiens de 1830, oblige douze cantons à se « régénérer », mais échoue à Neuchâtel, à Bâle et dans les vieux cantons montagnards où est pratiquée la démocratie directe (Landsgemeinde).

Les libéraux sont débordés à leur tour par la « Jeune-Suisse », d'inspiration mazzinienne, et par les radicaux ; leurs idées démocratiques et anticléricales provoquent des incidents dans les régions catholiques, et sept cantons conservateurs et catholiques concluent en 1845 une « Alliance défensive séparée », le Sonderbund. Les radicaux, maîtres de Genève, avec James Fazy, et de la diète (1847), exigent la dissolution de l'Alliance puis, sur son refus, les milices fédérales, commandées par le général Dufour, la brisent rapidement (guerre du Sonderbund).

8. La Constitution de 1848 et l'essor industriel

8.1. La Constitution de 1848

En septembre 1848, une nouvelle Constitution est élaborée (elle régira la Suisse jusqu'en 1999). Le pays, composé de vingt-cinq cantons et demi-cantons, devient une véritable union fédérale dotée d'un gouvernement central, qui siège à Berne. Une Assemblée fédérale, qui remplace l'ancienne diète, est divisée en un Conseil national, représentant toute la population, et un Conseil des États, représentant les cantons ; l'exécutif, collégial, est assuré par le Conseil fédéral. Chacun des sept conseillers le préside pour un an à tour de rôle. Les cantons conservent la compétence générale en restant souverains pour tout ce qui ne relève pas du droit fédéral : instruction, cultes, travaux publics, commerce et industrie. La plus grande partie des affaires militaires, les relations extérieures, les postes, la monnaie, les douanes relèvent de la Confédération.Toutes les libertés publiques sont garanties.

Par la suite, l'exécutif est légèrement renforcé dans la Constitution refondue en 1874, notamment pour l'organisation de l'armée qui devient presque exclusivement fédérale. Enfin, le pays adopte les droits de « référendum » (1874) et d'« initiative » (1891).

8.2. L'essor industriel

En 1856, la Suisse a évité une guerre avec la Prusse à propos de Neuchâtel qui obtient en 1857 de rester une République et un canton suisse.

En 1863, la fondation de la Croix-Rouge par Henri Dunant donne une nouvelle dimension à la neutralité suisse.

Par ailleurs, le pays poursuit son expansion économique avec la contribution d'investisseurs étrangers (Nestlé, Brown, Boveri…) : les deux grands tunnels du Saint-Gothard (capitaux germano-italiens) et du Simplon (capitaux français) sont percés de 1872 à 1882 et de 1898 à 1905, la première ligne de chemin de fer reliant Zurich à Baden datant de 1847.

Ces réalisations favorisent son commerce, alimenté par une industrie de haute qualité (horlogerie du Jura qui se modernise, mécanique, appareils électriques, industrie chimique) ; de grandes banques d’affaires apparaissent (Crédit Suisse, 1856). La classe ouvrière s'organise en une Union syndicale suisse (1880) et en un parti socialiste suisse (1888), dont les positions, à l'origine, sont très radicales.

9. La Suisse pendant les deux guerres mondiales

La Première Guerre mondiale et l'immédiat après-guerre provoquent des difficultés économiques et sociales, mais la neutralité et la vocation humanitaire du pays sont strictement respectées : la Société des Nations (SDN) est installée à Genève.

Pendant l'entre-deux-guerres, le pays reste stable malgré l'introduction de la représentation proportionelle (1919) et bien que fortement touché par la crise : le parti socialiste, un moment tenté par les idées de Lénine, se rallie à un réformisme (abandon de la « dictature du prolétariat » en 1936) qui explique la collaboration du patronat et des syndicats qui débouche en 1937 sur l'accor de « Paix du travail » : syndicats et patronat renoncent à la grève et au lock-out pour régler leurs différends. De leur côté, les formations pronazies qui se développent dans les années 1930 n'obtiennent qu'une audience très réduite.

Au cours de la Seconde Guerre mondiale, la Suisse reste fidèle à sa double vocation de neutralité et d'aide humanitaire. Les partis extrémistes de droite (Mouvement national) ou de gauche (parti communiste) sont interdits en 1940. Un plan d'autarcie alimentaire (plan Wahlen), un délicat équilibre entre les belligérants et la création d'une marine nationale permettent de franchir sans encombre les années difficiles.

Pour en savoir plus, voir l'article Suisse : vie politique depuis 1945.