glacier

Glacier d'Aletsch, Suisse
Glacier d'Aletsch, Suisse

Accumulation de glace continentale issue de la transformation de la neige et soumise à un écoulement lent.

1. Formation des glaciers

L'ensemble des glaciers représente environ 75 % des réserves d'eau douce de la planète. À l'aube du xxie s., quand le fragile équilibre thermique de la Terre paraît menacé, il convient d'être attentif à l'évolution des glaciers.

Leur existence étant conditionnée par des données thermiques rigoureuses, les glaciers sont cantonnés dans les régions polaires ou localisés dans les massifs montagneux les plus élevés. La diagenèse, ou transformation de la neige en glace par expulsion de l'air qu'elle contient, n'est possible que si l'alimentation neigeuse excède l'ablation (par fusion ou sublimation). Cette condition n'est réalisée qu'au-dessus de la limite des neiges persistantes, qui s'élève des régions polaires (où elle se tient au voisinage de la mer) vers les régions chaudes (où elle culmine à 6 000 m sous les tropiques). Un glacier, masse de glace continentale en mouvement, se constitue par accumulation de neige en hiver. Celle-ci, ne parvenant pas à fondre d'une année sur l'autre, se transforme peu à peu en névé, puis en glace. Quand cette dernière atteint plusieurs dizaines de mètres d'épaisseur (par exemple, 40 m sur une pente de 7°), sa base devient plastique. Soumise à l'action conjuguée de la pesanteur et de la pression (d'autant plus forte que l'épaisseur de la glace accumulée en amont est importante), elle se met à fluer, descendant les pentes ou se répandant dans toutes les directions.

2. Description des glaciers

L'image typique des glaciers de montagne est celle de fleuves de glace (par exemple, la mer de Glace, dans le massif du Mont-Blanc), d'autant plus développés que les montagnes sont fortement enneigées en hiver et fraîches en été. Leur existence dépend de l'altitude à laquelle s'accumulent les neiges permanentes : basse vers les pôles (moins de 1 000 m en Islande), très élevée sous les tropiques (plus de 5 000 m dans l'Himalaya et les Andes), intermédiaire dans les zones tempérées (entre 2 700 et 3 000 m dans les Alpes).

2.1. Typologie des glaciers

Suivant leur configuration et leur volume, on distingue trois types de glaciers :

– les glaciers d'inlandsis (représentant près de 99 % des surfaces englacées), qui sont des calottes de grande épaisseur (2 000 m en moyenne) recouvrant d'immenses surfaces (environ 15 millions de km2 pour l'Antarctique, plus de 1 700 000 km2 pour le Groenland), d'où n'émergent que quelques pointements rocheux, les nunataks ;

– les glaciers de vallée, situés en aval des névés, qui sont étroitement dépendants des reliefs dans lesquels ils se logent ; la longueur de tels appareils n'excède pas quelques dizaines de kilomètres (27 km pour le glacier d'Aletsch dans les Alpes, près de 80 km pour celui de Fedtchenko dans le Pamir, 120 km pour celui d'Hubbard en Alaska, sans doute le plus long fleuve de glace du monde) ;

– les glaciers de piémont, qui s'étalent largement en lobe au sortir d'un massif montagneux (comme en Alaska).

2.2. Morphologie glaciaire

Un glacier de montagne prend naissance sous la ligne de crête, dans un champ de névés entouré d'abrupts rocheux appelés cirque glaciaire.

Au-delà de cette cuvette commence la langue glaciaire, qui se moule dans une vallée préexistante. Sa surface est rarement lisse. Des cassures béantes, les crevasses, résultent des tensions engendrées par l'inégale vitesse d'écoulement de la glace au milieu et sur les bords de la langue. D'une profondeur généralement inférieure à 35 m, les crevasses peuvent excéder 20 m de large et 100 m de long. Souvent dissimulées sous des ponts de neige en hiver, elles constituent un danger pour les alpinistes. Elles sont plus denses quand la vallée se resserre ou quand la pente s'accroît brusquement. Il en résulte un aspect chaotique, surtout lorsque leur entrecroisement isole des lames de glace, les séracs, qui souvent s'éboulent les uns sur les autres. Dès qu'elle franchit la limite des neiges permanentes, la langue glaciaire fond et s'amincit peu à peu, jusqu'à disparaître. Sa longueur dépend du bilan glaciaire (différence entre l'accumulation et l'ablation).

Les grands glaciers, issus de plusieurs cirques qui s'emboîtent les uns dans les autres, grossissent par la confluence de plusieurs langues. L'un des plus longs, le glacier Hubbard en Alaska, s'écoule sur 120 km, et beaucoup descendent bien au-dessous de la limite des neiges permanentes (de 1 500 à 1 300 m pour les glaciers du massif du Mont-Blanc). Lorsque la montagne est très élevée, et la limite des neiges basse, de puissantes langues de glace descendues de la montagne s'étalent sur l'avant-pays en lobes semi-circulaires; on parle alors de glaciers de piémont (de beaux exemples peuvent être observés en Patagonie et en Alaska).

Au contraire, dans les montagnes dont la ligne de crête dépasse à peine l'altitude des neiges permanentes, les glaciers n'ont pas de langue: ce sont des glaciers de calotte, qui encapuchonnent les sommets, des glaciers de cirque, qui se logent dans les creux, des glaciers de paroi, qui nappent les hauts versants. Ces glaciers élémentaires ne bénéficient pas d'une alimentation neigeuse suffisante (dans les régions sèches, par exemple) ou sont soumis à une forte ablation qui ne permet pas la constitution d'une langue glaciaire (dans les régions intertropicales).

Les glaciers de montagne alimentent de nombreux torrents dont le régime est caractérisé par de hautes eaux en saison chaude et de maigres eaux en hiver.

3. Glaciers et érosion

3.1. Le mouvement et la vitesse des glaciers

La submersion par la glace de repères naturels ou artificiels situés à la périphérie des langues glaciaires, le déplacement de balises installées à la surface des glaciers, tout comme les mesures effectuées au contact du lit glaciaire prouvent que la glace, tel un corps visqueux, se déforme, avance par saccades et glisse à la faveur d'un film d'eau qui apparaît sur le lit rocheux. La température à la base du glacier demeure proche du point de fusion, car la roche conserve une température positive. Les vitesses enregistrées varient en fonction non seulement de la pente, mais aussi de l'épaisseur de la glace, donc de l'alimentation en neige. Elles sont de l'ordre de 1 m par jour, en moyenne, pour les grands glaciers de montagne (35 cm seulement pour la mer de Glace, 60 cm pour le glacier d'Argentière). Les records sont détenus par les glaciers d'Alaska : près de 3 m/h pour l'un d'eux, tandis que d'autres connaissent des avancées épisodiques de plus de 60 m par jour.

C'est l'écoulement glaciaire qui rend compte de la spécificité des processus morphogéniques du domaine glaciaire, qui sont : le transport de moraines (superficielles, internes ou de fond), alimentées par la gélifraction des versants supraglaciaires ou l'attaque du lit glaciaire ; l'ablation, qui consiste en une abrasion exercée par la glace armée de matériaux durs (activité qui se traduit par des stries, des cannelures, ou par le polissage des roches moutonnées, et, surtout, par le délogement de blocs aux dépens de la roche en place [le débitage glaciaire]). Les glaciers des calottes polaires peuvent s'étirer jusqu'à la mer et se fragmenter alors en gros blocs, les icebergs, qui dériveront au gré des courants marins.

Si la prise en charge des moraines ne fait pas problème, la capacité et la compétence des glaciers étant pratiquement illimitées, le creusement du lit glaciaire offre matière à discussions. Suivant l'efficacité accordée au travail des glaciers, les auteurs se partagent entre trois écoles : les ultraglacialistes font du glacier le plus puissant de tous les agents morphogéniques, les antiglacialistes ne lui attribuent qu'un rôle protecteur, et les transactionnels lui reconnaissent l'aptitude de réaménager une topographie préglaciaire. Ces différences d'appréciation s'expliquent aisément par un fait d'évidence : l'ablation glaciaire est le processus le moins facilement accessible à l'observation directe. Toutefois, l'examen des modelés de vastes régions englacées au cours des périodes froides du quaternaire (près de 30 % des terres émergées contre 11 % actuellement) montre que le problème de l'efficacité de l'érosion glaciaire appelle des solutions nuancées, puisqu'il oblige à tenir compte des influences lithologiques, du travail de préparation des systèmes morphogéniques antérieurs, de la différenciation de la topographie et de l'inégal dynamisme des glaciers (ce dernier facteur privilégiant les glaciers locaux par rapport aux inlandsis).

3.2. L'érosion glaciaire

Les glaciers usent la roche par abrasion, c'est-à-dire par frottement des particules charriées sur le lit rocheux ou contre les parois. Ce polissage se caractérise par les bosses arrondies des roches « moutonnées » ou les stries et cannelures gravées dans la roche, bien visibles dans les vallées glaciaires. La glace arrache des fragments de la roche en place séparés par des fissures. Elle entraîne des débris de toute taille, grains de sable et blocs, qui constituent la moraine de fond.

L'eau de fusion estivale, qui ruisselle à la surface des glaciers avant de disparaître dans les crevasses, forme un torrent sous-glaciaire responsable du creusement de sillons étroits et profonds, véritables traits de scie, repérés sous les glaciers alpins.

Les langues glaciaires transportent les cailloux et les rochers tombés des versants. Accumulés en bourrelets au bord du glacier, ces débris forment les moraines latérales, qui se réunissent en une moraine médiane en aval de la confluence de deux glaciers.

Le glacier est cerné à son extrémité par une moraine terminale, ou frontale, de forme arquée (vallum morainique), d'où s'échappe le torrent issu des eaux de fonte. Le remaniement des matériaux morainiques et leur étalement par les eaux courantes aboutit à la constitution de cônes fluvio-glaciaires en aval des glaciers de montagne ou de piémont, et de plaines sableuses en aval des inlandsis.

3.3. Le modelé glaciaire

La fonte des glaciers fait apparaître le modelé glaciaire. En montagne, les crêtes étroites, hérissées d'aiguilles, correspondent aux cloisons rocheuses limitant l'amphithéâtre des anciens cirques glaciaires. Un lac en occupe souvent le fond.

L'ancienne vallée glaciaire présente des versants raides et, dans un premier temps, un fond irrégulier. Le glacier a creusé des cuvettes, ou ombilics, dans les roches tendres, laissant subsister dans les roches dures des bosses qui forment des verrous. Ces derniers peuvent retenir des eaux lacustres, dont les exutoires scient des gorges à travers les barres rocheuses. Puis le colmatage des cuvettes par les alluvions lacustres ou torrentielles aboutit à la formation d'une plaine alluviale. Les grandes vallées présentant alors la forme d'un « U » (versants raides et fond plat) sont appelées auges glaciaires. Les grands glaciers, épais de plusieurs centaines de mètres, ont creusé des vallées plus profondes que celles de leurs affluents. Après la déglaciation, le fond de l'auge principale se trouve en contrebas des auges secondaires. Celles-ci apparaissent suspendues, et les torrents qui les occupent rejoignent le cours d'eau principal par des cascades ou par des gorges de raccordement.

À l'exception des fjords (anciennes auges profondes envahies par la mer), les reliefs rabotés par les inlandsis présentent des bosses arrondies et des cuvettes occupées par des lacs (on en compte plus de 100 000 en Finlande). Les Grands Lacs du Saint-Laurent ont une origine identique. La bordure des anciens inlandsis est jalonnée par des collines morainiques, telles les croupes baltiques. Les moraines de fond ont créé de vastes plaines souvent marécageuses, dont la monotonie est rompue par des buttes ovoïdes façonnées sous la pression de la glace ou par des bourrelets sinueux, longs de plusieurs kilomètres, œuvre des torrents sous-glaciaires.

Longueur de quelques glaciers

Longueur de quelques glaciers

Nom

Région

Longueur

Glacier de Humboldt

Groenland

700 km

Glacier de Hubbard

Alaska (États-Unis, Amérique)

120 km

Glacier de Baltoro

Karakorum (Asie)

70 km

Glacier d'Aletsch

Suisse (Europe)

33 km

Mer de Glace

France (Europe)

12 km