guerre de Cent Ans (1337-1453)

Philippe VI de Valois
Philippe VI de Valois

Conflit qui a opposé la France (des Valois) à l'Angleterre (des Plantagenêt puis des Lancastre).

De 1337 à 1453, la rivalité entre les royaumes de France et d'Angleterre, vieille de plus de deux siècles, se manifeste par une série de guerres entrecoupées de longues trêves : c'est ce que l'on appelle, improprement, la guerre de Cent Ans. Sur ce conflit majeur se greffent des conflits secondaires qui impliquent les alliés des deux souverains (Aragon, Castille, Écosse, princes des Pays-Bas et d'Allemagne rhénane), les papes et, dans la succession des guerres civiles, les grands féodaux français et anglais.

Coupée par une longue période de trêves (1388-1411), la guerre de Cent Ans se divise, en réalité, en deux temps essentiels (1337-1388 et 1411-1453), au cours desquels la marée anglaise, après un premier flux victorieux (1338-1360 et 1411-1435), connaît un reflux presque total, et le second s'avérant décisif (1360-1388 et 1435-1453).

1. Les origines du conflit

Au-delà des luttes féodales, et même si son prétexte est dynastique, la guerre de Cent Ans est en réalité l'expression du premier grand conflit de deux États souverains en Europe.

1.1. Le legs normand et angevin

En 1066, le duc Guillaume de Normandie (dit Guillaume le Conquérant) conquiert l'Angleterre et en devient roi, créant ainsi la dynastie anglo-normande. Sa victoire pose un problème insoluble car, en tant que duc de Normandie, il reste le vassal du roi de France et, en tant que roi, il est souverain en Angleterre. La puissance des rois anglo-normands s'accroît avec Henri II Plantagenêt (1154-1189), qui apporte l'Anjou, le Maine, la Touraine et, par son épouse Aliénor, l'Aquitaine. Les possessions anglaises en France sont une véritable menace pour la dynastie capétienne. Cependant, les victoires de Philippe II Auguste sur Jean sans Terre au début du xiiie siècle ne laissent aux rois anglais qu'une partie de l'Aquitaine, dont la Guyenne (déformation dialectale du mot « Aquitaine »). En 1259, dans un esprit de justice féodale, Louis IX (Saint Louis) ratifie cette possession par le traité de Paris.

1.2. L’affirmation des monarchies nationales

Peu après le traité de Paris de 1259, les fondations administratives et politiques de l'État moderne se mettent en place autour de deux grandes institutions : le Parlement en Angleterre et en France, ainsi que la Chambre des comptes en France ; l'État est déclaré souverain aux dépens de l'autorité pontificale ; un système fiscal national est mis au point.

1.3. Les affaires de Flandre et de Guyenne

Cependant, des conflits éclatent en Guyenne et en Flandre. En Guyenne, Philippe IV le Bel (1285-1314) affaiblit Édouard Ier (1272-1307) en acceptant de recevoir les « appels » sur les décisions de justice rendues par le parlement de Paris. En Flandre, où la fabrication des étoffes dépend des laines anglaises, les intérêts anglais et français se mêlent aux luttes sociales qui éclatent entre bourgeois et artisans.

Par ailleurs, les rois de France apportent leur soutien au roi d'Écosse Robert Bruce (1306-1329) pour chasser les Anglais qui occupent son territoire et restaurer l'indépendance écossaise. La solution féodale préconisée par Saint Louis est source d'ambiguïtés et peut donner prétexte à un affrontement entre les deux États.

1.4. Les origines dynastiques

En 1316, ayant obtenu que les femmes soient écartées de la succession royale, Philippe V, deuxième fils de Philippe le Bel, succède à son frère aîné Louis X, mort sans héritier mâle. Il en est de même en 1322, lorsque Charles IV (dernier fils de Philippe le Bel) accède au trône.

Mais en 1328, la lignée des rois capétiens s'éteint à la fin du règne de Charles IV. Seul prétendant de la lignée masculine, Philippe de Valois est le neveu de Philippe le Bel ; le roi Édouard III d'Angleterre, fils d'Isabelle de France (la fille de Philippe le Bel) et du défunt roi Édouard II, est également prétendant au trône par la lignée féminine.

Les nobles français choisissent Philippe VI de Valois, homme mûr, et surtout « né du royaume » ; le jeune Édouard III, dont le pouvoir est encore chancelant, prête sans difficultés hommage pour ses fiefs français en 1329, réservant ses prétentions dynastiques comme arme diplomatique dans les affaires de Guyenne. En 1333, les négociations ont presque abouti, mais Philippe VI lutte pour intégrer l'Écosse au traité. Édouard III, pour surmonter ses difficultés et se dégager du lien vassalique contraignant avec la France, cherche de nouveau à conquérir le trône de France, qu'il revendique officiellement le 7 octobre 1337.

2. Le temps des victoires anglaises (1337-1360)

L'Angleterre, plus petite et trois fois moins peuplée que la France, est mieux administrée, et la participation active de spécialistes de haut niveau permet aux souverains de réunir des moyens considérables. La conquête du pays de Galles et les guerres d'Écosse ont, en outre, permis la modernisation de l'armée.

2.1. La mobilisation diplomatique anglaise

À partir de 1336, les dispositifs de guerre s'intensifient. Édouard III profite des luttes d'influence au sein de la noblesse française et accueille Robert d'Artois qui, spolié de son héritage féodal et convaincu de malversations juridiques, s’est réfugié à Londres où il renseigne le roi sur la cour de France. C’est dans ce contexte que Philippe VI de Valois confisque la Guyenne au roi d’Angleterre. Mais les opérations militaires, trop souvent entrecoupées de trêves, sont vouées à l'échec. Les deux adversaires manquent de moyens. Édouard III ne peut financer l'offensive diplomatique qu'il a lancée en direction du Saint Empire et des Pays-Bas. Cependant, le 24 juin 1340, son alliance avec les Flamands lui permet de remporter la bataille navale de L'Écluse, qui assure aux Anglais le contrôle de la mer pour de longues années.

Édouard III soutient aussi Jean de Montfort, prétendant au trône de Bretagne, contre Charles de Blois. Au prix d'importantes concessions politiques, il réussit à gagner la confiance de l'aristocratie anglaise et exerce dès 1345 une forte pression militaire en Bretagne et en Guyenne alors que, en France, Philippe VI suscite une méfiance grandissante. La guerre de Succession de Bretagne va durer de 1341 à 1364.

2.2. Crécy et Calais

Les Anglais portent la guerre en France en 1346. Menant à travers la Normandie une chevauchée (expédition destinée à piller les pays traversés), Édouard III est accroché lors de sa retraite : l'armée anglaise inflige à la bataille de Crécy (26 août 1346) une sanglante défaite aux Français. En août 1347, au terme d’un siège de onze mois, Édouard III prend Calais, désormais porte d'entrée des Anglais en France jusqu’en 1558. Au même moment, ses adversaires, David Bruce (roi d'Écosse) et Charles de Blois (prétendant au trône de Bretagne), tombent entre ses mains. De surcroît, de 1347 à 1349, l'épidémie de peste noire qui ravage l'Europe tue près du tiers de la population et limite la fréquence des combats.

2.3. Poitiers et la crise de la monarchie française

Jean II le Bon, qui succède à Philippe VI en 1350, se heurte à un nouvel adversaire, son cousin Charles le Mauvais, comte d'Évreux et roi de Navarre, fils de Philippe d'Évreux et de Jeanne de Navarre elle-même fille de Louis X, qui estime avoir été spolié de la couronne par la mise à l’écart des femmes de la succession royale en 1316. Jean le Bon le fait arrêter en 1356. En 1355 et 1356, Édouard de Woodstock (fils d'Édouard III), dit le Prince Noir, mène deux expéditions à partir de la Guyenne. En 1356, les Anglais remportent une première victoire sur les Français, à la bataille de Poitiers (19 septembre 1356) au cours de laquelle le roi Jean le Bon est fait prisonnier. La défaite, imputée à la couardise des nobles, déclenche des troubles en France, où les exigences fiscales de la monarchie, présentées en 1356 aux états de langue d’oïl (nord de la France), sont contestées.

Divers mouvements de résistance vont s'organiser : la Jacquerie en Île-de-France et la prise du pouvoir à Paris par Étienne Marcel, le prévôt des marchands. En 1358, le dauphin Charles, qui gouverne en l'absence de son père Jean le Bon, échappe à Étienne Marcel, qui est assassiné. C'est Charles le Mauvais qui écrase les jacques.

2.4. Le traité de Brétigny (1360)

En 1360, Édouard III et Charles V signent les préliminaires du traité de Brétigny. Le roi d'Angleterre reçoit le Poitou, le Limousin, le Périgord, le Quercy, le Rouergue, mais doit renoncer à la couronne de France. La rançon royale est fixée à trois millions d'écus. Cependant, les engagements pris par les deux rois ne seront jamais respectés.

3. Le rétablissement français (1360-1380) et les prolongements européens

3.1. Les campagnes de Du Guesclin

La fin des conflits collatéraux

En Guyenne se pose toujours la question de la souveraineté. Or, après le traité de Brétigny, la situation française se renforce. En Bretagne, en 1364, la mort de Charles de Blois à la bataille d'Auray assure certes le pouvoir à Jean IV de Montfort, candidat des Anglais, mais dégage la France d’un conflit collatéral épuisant.

La même année, le connétable Bertrand du Guesclin écrase les troupes de Charles le Mauvais à Cocherel et entraîne vers l'Espagne, en 1367, les Grandes Compagnies qui dévastaient le pays. De plus, Édouard III d’Angleterre, trop âgé, et le Prince Noir, malade, ne peuvent poursuivre l'effort de guerre.

La reconquête française

En 1369, la guerre reprend sur ordre du nouveau roi de France, Charles V (1364-1380), et à la demande de deux seigneurs gascons, le comte d'Armagnac et le sire d'Albret. Les troupes de Du Guesclin et de Charles V avancent inexorablement. Elles épuisent les chevauchées anglaises en dévastant tout devant elles et assiègent l'une après l'autre les garnisons anglaises. En 1380, il ne reste aux Anglais que Calais et, en Guyenne, les régions de Bordeaux et de Bayonne.

3.2. Le jeu des alliances

Par le jeu des alliances et des ruptures, et à travers le jeu des médiations et des négociations sans cesse reprises, la guerre a gagné toute l'Europe occidentale, jusqu'à la papauté.

L’Écosse

En Écosse, les dynasties des Bruce et des Stuart sont toutes deux anti-anglaises. Les Écossais sont continuellement en guerre, et la zone frontière représente une menace constante pour l'Angleterre du Nord, souvent dévastée. Malgré les échecs répétés dans les batailles rangées, et malgré la longue captivité à Londres de leurs rois David II (1329-1371) et Jacques Ier (1406-1437), les Écossais fixent d'importantes forces dans le Nord et fournissent aux rois de France dans la dernière phase de la guerre (sous Charles VII puis Louis XI) des troupes solides et aguerries.

La Flandre

En 1338-1340, lorsqu'il s'installe en Flandre, Édouard III (gendre du comte de Hainaut voisin de la Flandre en terre d’Empire) essaie de tisser un réseau d'alliances avec le parti populaire des grandes villes flamandes et avec un certain nombre de princes, notamment l'empereur Louis IV de Bavière. Ses déboires financiers et la chute du chef bourgeois Jacob Van Artevelde ruinent ses efforts. Le mariage de Philippe le Hardi (dernier fils du roi Jean II le Bon), devenu duc de Bourgogne, avec Marguerite (héritière du comte de Flandre), ainsi que sa victoire sur les Flamands à la bataille de Rozebeke en novembre 1382 rétablissent le contrôle français sur la Flandre.

La Bourgogne

Les successeurs bourguignons du duc Philippe le Hardi – Jean sans Peur, Philippe le Bon et Charles le Téméraire – constituent pour leur compte une importante réunion d'États qui menace la Lorraine, Cologne et les villes d'Alsace pour constituer un unique et vaste ensemble territorial : la Bourgogne. En 1419, l'assassinat du duc Jean sans Peur et les difficultés que rencontrent ses successeurs à la cour de France poussent les ducs de Bourgogne à s'allier aux Anglais, ce qui, de 1413 à 1435, représente un péril supplémentaire pour les rois de France.

La Castille

Dans la péninsule Ibérique, le roi de Castille, Pierre le Cruel, et son demi-frère, Henri de Trastamare, se livrent une guerre sans merci ; le premier est soutenu depuis l'Aquitaine par le Prince Noir, tandis que le second obtient le soutien des routiers français commandés par Bertrand du Guesclin. En 1369, la victoire du Trastamare à Montiel assure à la France le soutien décisif de la marine castillane. Il n’en demeure pas moins que le frère du Prince Noir (Jean de Gand, duc de Lancastre) revendique un temps le trône de Castille, en tant qu’époux de la fille de Pierre le Cruel.

3.3. La guerre et le grand schisme d'Occident

En 1309, la papauté s'est installée à Avignon, dans l’Empire, mais aux portes du royaume de France. Les papes, tous français, cherchent à ramener la paix et à porter secours au roi de France, notamment grâce à une aide financière. Aussi en 1378, lors du retour de la papauté à Rome et au moment de l'élection d'Urbain VI, un schisme éclate-t-il : Français et Espagnols prennent parti pour l'adversaire d'Urbain VI, Clément VII, qui reste à Avignon ; les Anglais et l'empereur, ainsi que la plupart des Italiens, soutiennent au contraire Urbain VI. La guerre est ainsi directement liée au grand schisme d’Occident, qui prendra fin en 1418 avec le concile de Constance.

4. Le temps des trêves (1388-1411) et les difficultés de la paix

Les trêves officielles comme les périodes de paix entre la France et l'Angleterre sont mouvementées et parfois plus difficiles à vivre pour les deux peuples que les périodes de guerre.

4.1. Les routiers

Souvent membres de la petite noblesse, cadets de famille ou bâtards, les soldats mercenaires ne reçoivent plus d'argent lorsque la guerre cesse ; alors ils poursuivent leurs activités pour leur propre compte. En 1361, le connétable de France Jacques de Bourbon est battu et tué à Brignais par des routiers rebelles. La plupart des Grandes Compagnies sont entraînées en Espagne par Du Guesclin. Les dernières bandes sont anéanties dans le Massif central en 1390-1391. Vers 1430, et pour les mêmes raisons, les routiers, appelés « écorcheurs », sèment la terreur et tuent. En 1445, une grande partie d'entre eux est intégrée dans l'armée permanente de Charles VII. Les autres doivent se disperser.

4.2. Finances et conséquences économiques

Le poids de l’impôt

La guerre n'est plus celle du seigneur, mais celle de l'État, donc, en principe, celle de tous. Le roi défend le pays et les biens de ceux qui vivent dans son royaume. Tel est le discours utilisé pour obtenir des notables, qui représentent le peuple, le consentement à payer l'impôt. D'abord exceptionnel et justifié par une situation d'urgence, l'impôt de guerre devient régulier dans le courant du xive siècle. Le prélèvement de l'impôt régulier s'étend bientôt, et de façon permanente, aux périodes de paix. Le processus est plus rapide en Angleterre, mais le Parlement conserve un grand pouvoir de marchandage. À partir de 1440, en France, la monarchie fixe le montant de l'impôt sans tenir compte des états (états de langue d'oïl et états de langue d'oc, voire tout simplement assemblées urbaines). La guerre apparaît ici comme le moteur de l'évolution de l'État. Le prélèvement fiscal, souvent très lourd pour le peuple, s'ajoute aux méfaits de la guerre.

Les conséquences économiques

Il est impossible à chiffrer, mais l'économie de la France est bouleversée. Les dévastations aggravent la crise des campagnes : les paysans, frappés de plein fouet par l’épidémie de peste noire de 1348, désertent les campagnes ruinées ; la population diminue de moitié en France et en Angleterre entre 1300 et 1430.

Si tout n'est pas directement imputable à la guerre, il est certain qu'elle amplifie le phénomène de pénurie, compte tenu de l'impôt dont elle est le prétexte et qui achève d'étouffer les paysans. Les seigneuries ne rapportent plus, et les petits nobles sont d'autant plus enclins à s'engager dans la guerre que leurs soldes et les rançons de leurs prisonniers feront leur fortune.

Mais la guerre entraîne aussi des progrès dans la métallurgie et la chimie, et la construction des fortifications des villes et des châteaux procure beaucoup de travail. Enfin, les opérations se sont déroulées en France, qui a donc beaucoup plus souffert que l'Angleterre. Celle-ci a peut-être retiré quelques profits de la guerre, comme le montrent les fortunes de certains capitaines, tel sir John Fastolf (le Falstaff de Shakespeare).

4.3. Guerres civiles et soulèvements populaires

La compétition au sommet de l’État

L'argent de l'impôt de guerre, les emplois (militaires, administratifs, politiques) et le pouvoir qu'il procure transforment la structure de la société politique. À la relation féodale seigneur-vassal, fondée sur la terre, se substitue une relation dans laquelle le seigneur paie son fidèle et lui assure, en outre, l'accès à la puissance d'État en même temps qu'il le protège contre elle. Pour ce faire, le seigneur doit avoir lui-même un protecteur aussi haut placé que possible, par exemple au Conseil du roi. En France comme en Angleterre, des partis aristocratiques s'affrontent, dirigés en général par des princes de sang royal, affichant une volonté de réforme, mais en réalité engagés dans une ardente compétition.

Les guerres civiles

En temps de guerre, l'impôt est abondant, l'affrontement moins sévère. En temps de paix, surtout dans le royaume vaincu, il dégénère en guerre civile : en France, dans les années 1350-1365, Navarrais contre hommes du roi (puis du Dauphin) ; au xve siècle, Armagnacs contre Bourguignons, à la suite de la lutte du duc Louis d'Orléans frère du roi Charles VI, contre Jean sans Peur, duc de Bourgogne, pour le contrôle du Conseil du roi, marquée par l'assassinat du premier en 1407 ; en 1440, révolte des princes contre Charles VII (la Praguerie) ; en Angleterre, les appelants contre Richard II, la révolte de Henri de Lancastre, qui renverse Richard II et monte sur le trône en 1399, et enfin la guerre des Deux-Roses qui fait suite à la guerre de Cent Ans et consiste en une série de conflits isolés entre 1455 et 1485.

Les révoltes populaires

Provoquées soit par la levée des impôts, soit par des réactions antinobiliaires, les révoltes populaires sont nombreuses et violentes dans les campagnes : Jacquerie des paysans d'Île-de-France (1358), révolte des tuchins du Languedoc (vers 1360-1382), révolte paysanne conduite par Wat Tyler en Angleterre (1381). Elles sont également urbaines, telles que le mouvement dirigé par Étienne Marcel (1357-1358), la révolte des maillotins de Paris et la harelle de Rouen (1382) et l’émeute cabochienne (Cabochiens, 1411-1413) à Paris, la Grande Rebeyne (1436) à Lyon, etc.

5. Henri V d’Angleterre et la double monarchie (1413-1429)

À la mort de Charles V, l'Angleterre et la France connaissent de graves crises politiques ; atteint de folie, Charles VI ne peut s'opposer aux partis aristocratiques menés par ses oncles ou par son frère, Louis d'Orléans. Pour sa part, Richard II, petit-fils et successeur d’Édouard III, s'entend mal avec ses nobles : il est déposé et assassiné en 1399 par Henri IV de Lancastre, qui a beaucoup de mal à stabiliser son pouvoir. Son successeur, Henri V, soldat expérimenté, galvanise les énergies anglaises et profite des divisions françaises.

5.1. Azincourt et la conquête de la Normandie

La déroute française

Tandis que la guerre civile sévit en France de 1412 à 1414, Henri V débarque en Normandie en septembre 1415, s'empare de Harfleur et se met en route pour Calais, reprenant la tradition des chevauchées anglaises. Oublieuse des leçons de Bertrand du Guesclin, l'armée française le rejoint et se fait écraser à la bataille d’Azincourt, le 25 octobre 1415 : la noblesse française (surtout armagnaque) est décimée, et le duc Charles d'Orléans est fait prisonnier. Le prestige du vainqueur est immense ; il reçoit l'appui de l'empereur Sigismond, et le duc de Bourgogne négocie avec lui.

L’entente anglo-bourguignonne

De 1415 à 1419, Henri V conquiert la Normandie, tandis qu'en France les dissensions s'exaspèrent : au gouvernement du dauphin Charles, défendu par les Armagnacs, s'oppose celui de la reine Isabeau de Bavière, soutenue par les Bourguignons qui, en mai 1418, l'installent à Paris avec Charles VI. Pour sa part chassé de la capitale, le Dauphin (futur Charles VII) s'installe à Bourges où, en 1419, il rencontre le duc de Bourgogne. Mais Jean sans Peur est assassiné par les hommes du Dauphin. Son successeur, Philippe le Bon, s'entend avec Henri V et le gouvernement de Paris (Charles VI et Isabeau).

5.2. Le traité de Troyes

Henri V veut la couronne de France. En mai 1420, le traité de Troyes la lui donne : le royaume reviendra à Henri V et à ses héritiers après la mort de Charles VI, l'actuel roi. Le dauphin Charles est déshérité. Henri V épouse Catherine de Valois, fille de Charles VI. Il reconnaît la position du duc de Bourgogne et jure de respecter les coutumes du royaume de France, qui reste distinct de celui d'Angleterre.

Une double monarchie naît de ce traité, même si, dans les faits, la France est divisée en trois (la Bretagne étant à part) : les Anglo-Français gouvernent la Guyenne, la Normandie, Paris et sa région, dominant bientôt jusqu'à la rive nord de la Loire ; le duc de Bourgogne contrôle, outre ses domaines, la Picardie et la Champagne ; le Dauphin se maintient dans le reste du pays. La mort de Henri V en août 1422 et celle de Charles VI en octobre de la même année ne modifient pas cette structure : frère de Henri V, le duc de Bedford, installé à Paris, est régent de France pour le compte de son neveu Henri VI, âgé d'un an.

5.3. La double monarchie

La double monarchie était-elle viable ? Non sans talent et profitant des sympathies bourguignonnes d'une partie de l'élite, le duc de Bedford rend son gouvernement acceptable à Paris et en Normandie, même si une résistance paysanne apparaît dans cette province. Sur le plan militaire, il étend le contrôle anglais sur le Maine, les marges de l'Anjou, mais il reste prudent. Poussant vers la Loire, l'armée anglaise est victorieuse en 1423 à Cravant, et en 1424 à Verneuil ; en 1428, le comte de Salisbury assiège Orléans. Mais le duc de Bedford ne peut surveiller l'Angleterre : son frère Humphrey, duc de Gloucester, tente une offensive contre le Bourguignon Philippe le Bon (allié et beau-frère de Bedford). Au même moment, la faction des Armagnacs, directement responsable du meurtre de Jean sans Peur, est écartée du pouvoir à Bourges. L'alliance anglo-bourguignonne résiste encore, mais elle est minée.

6. La reconquête et la victoire française (1429-1453)

Le renversement de la situation en faveur du roi de Bourges va être moins ressenti comme le résultat du changement de camp du duc de Bourgogne que comme celui de l'intervention, « miraculeuse », de Jeanne d'Arc, la « Pucelle d'Orléans ».

6.1. L’épopée de Jeanne d'Arc et Charles VII

La cour de Bourges, où des factions s'affrontent, est paralysée : l'issue du siège d'Orléans est redoutée, car l'armée de Charles VII, piteusement mise en déroute par les Anglais en février 1429 lors de la journée des Harengs, est incapable de dégager la ville. Mais une jeune Lorraine, Jeanne d'Arc, arrive à la cour ; elle communique au roi une partie de la foi qui l'habite. Galvanisant les énergies, elle se joint à l'armée de secours en partance pour Orléans : le 8 mai, la ville est délivrée, puis Jargeau tombe et, enfin, l'arrière-garde anglaise est battue à la bataille de Patay le 18 juin.

Si le rôle de Jeanne d'Arc est plus psychologique que strictement militaire, c'est elle qui décide le sacre de Charles VII à Reims, formidable victoire idéologique qui démontre où est la vraie légitimité. Partis de la Loire, Charles VII et sa cour, malgré les Bourguignons, gagnent Reims, où le sacre est célébré le 17 juillet 1429. Champagne, Brie et Soissonnais se soumettent au roi, dont l'armée n'échoue que devant Paris. Jeanne d'Arc, prise par les Bourguignons à Compiègne, est livrée aux Anglais qui, après sa condamnation par l'Église, la brûlent à Rouen le 30 mai 1431.

6.2. La fin de l'alliance anglo-bourguignonne

L'alliance avec l'Angleterre apparaît dangereuse à Philippe le Bon, d'autant que la situation financière et militaire des Anglais se détériore. La réconciliation franco-bourguignonne s'effectue en août 1435 au traité d'Arras : Charles VII ne cède rien sur les principes, et Philippe le Bon garde le contrôle effectif des territoires qu'il a conquis pendant la guerre. Peu après, la haute Normandie se révolte contre les Anglais et Paris s'ouvre aux Français en 1436.

6.3. La reconquête de la Normandie

Les faiblesses françaises

La situation financière anglaise est désastreuse, et la lutte des factions s'exacerbe au Conseil du roi entre le parti de la diplomatie (dirigé par le duc de Suffolk) et celui de la guerre (mené par Humphrey de Gloucester) : en 1444, Suffolk négocie un mariage entre Henri VI et une princesse française, Marguerite d'Anjou ; en 1447, il fait arrêter Gloucester, qui meurt peu après. Mais, malgré les trêves de 1448, les finances anglaises restent fragiles. L'opinion publique demeure pourtant hostile à tout abandon de territoire.

La réassurance française

Pour sa part, la monarchie française surmonte ses handicaps : après la révolte des chefs aristocratiques, la Praguerie, en 1440, à laquelle le dauphin Louis (Louis XI) adhère, une trêve générale est conclue en 1444. L'administration royale, qui quitte Poitiers et Bourges où elle était repliée, est réorganisée à Paris, et la fiscalité est stabilisée. De plus, les ordonnances de 1439 et de 1445 dotent le roi d'une armée permanente composée de compagnies de gens d'armes (les compagnies d'ordonnance), renforcée par une artillerie réorganisée et une infanterie auxiliaire de francs archers ; surtout, elles mettent fin aux exactions des routiers.

Durant l'été 1448, les Anglais abandonnent le Maine. Ils s’aliènent ensuite le duc de Bretagne en prenant Fougères (1449). C'est le signal de la reconquête : la Normandie tombe après la bataille de Formigny (1450).

6.4. La reconquête de la Guyenne

La crise anglaise

La perte de la Normandie provoque une crise profonde en Angleterre : le duc de Suffolk, mis en accusation devant le Parlement, est exécuté. Le lieutenant du roi en Normandie, Somerset, est accusé d'incurie par le duc d'York, son prédécesseur ; la lutte des factions fait rage, d'autant plus dangereuse que le duc d'York est un descendant plus direct de Richard II (déposé en 1399) que Henri VI. L'afflux des réfugiés normands et des soldats débandés crée une situation sociale explosive : la révolte de Jack Cade embrase le Kent avant d'atteindre Londres et le sud-est de l'Angleterre. Le royaume est au bord de la guerre civile.

La prise de Bordeaux

Mais en Guyenne, la population est favorable au roi d'Angleterre, de même qu'en la riche ville de Bordeaux, dont l'exportation du vin outre-Manche fait la prospérité. Si Bordeaux se rend une première fois en 1451, John Talbot la reprend dès 1452. Mais ses troupes ne peuvent résister à l'armée française et à son artillerie : il est écrasé et tué le 17 juillet 1453 à la bataille de Castillon. Les Anglais ne disposent plus en France que de Calais.

La fin effective de la guerre (1453)

En fait, bien qu'aucun accord n'ait été signé par les Français et les Anglais avant la conclusion de la paix de Picquigny, le 29 août 1475, et bien que Calais soit restée la possession de ces derniers jusqu'en 1558, la guerre de Cent Ans est achevée après la dernière bataille de 1453.

7. Bilan de la guerre de Cent Ans

7.1. L’affirmation des nations

Exceptionnelle par sa durée, traditionnelle par ses mobiles (féodaux ou dynastiques) et souvent par ses méthodes (charges folles de la chevalerie), idéologique par ses buts affirmés (défendre une cause juste), la guerre de Cent Ans a été coupée d'innombrables trêves qui ont limité à un maximum de sept ans la durée des combats continus entre les forces des deux royaumes. Elle a développé la xénophobie réciproque de leurs deux peuples et contribué par là même à exalter chez eux un nationalisme virulent qui s’est renforcé de la rupture de l'unité linguistique (le française était la langue de la cour anglaise jusqu’à la fin du xive siècle). Le conflit a favorisé, par contrecoup, la naissance du sentiment national, dont la base est ce « patriotisme instinctif » dont parle Bernard Chevallier et dont Jeanne d'Arc est la principale illustration.

7.2. Des conséquences socio-économiques contrastées

Coûteuse en hommes, particulièrement éprouvante pour la noblesse française (décimée à Crécy, à Poitiers et à Azincourt), favorisant par contrecoup la mobilité géographique et sociale des hommes, la guerre de Cent Ans a eu des conséquences économiques diamétralement opposées pour les deux belligérants, l'Angleterre ayant pu développer sa production agricole et industrielle à sa faveur, alors que celle de la France s’est trouvée gravement amputée par les combats livrés sur son sol. Mais alors que son issue a entraîné le regroupement du baronnage anglais contre la monarchie anglaise, regroupement en partie responsable de la guerre des Deux Roses, elle a contribué en revanche à accélérer l'unification institutionnelle du royaume de France, et donc sa marche vers l'absolutisme, sans pour autant faire disparaître les particularismes locaux.