Henri Bergson

Henri Bergson
Henri Bergson

Philosophe français (Paris 1859-Paris 1941).

La philosophie de Bergson ne porte pas la marque de son époque. Elle fut avant tout, dans cette première moitié de xxe s., l’expression d’une importante réaction aux théories du positivisme.

Le philosophe prix Nobel

Henri Bergson appartient à une famille de neuf enfants ; son père, d’origine juive, est né à Varsovie et sa mère, à Londres. Lauréat du premier prix de mathématiques au concours général, il s’oriente toutefois vers la philosophie et entre à l'École normale supérieure en 1878. Après l’agrégation, il enseigne à Angers, à Clermont-Ferrand et à Paris. En 1884, il édite et préface des morceaux choisis de Lucrèce. En 1889, il soutient ses deux thèses : Essai sur les données immédiates de la conscience et, en latin, la Théorie aristotélicienne du lieu. Sa candidature à la Sorbonne avait déjà été repoussée plusieurs fois quand, en 1896 (année où paraît Matière et mémoire), il accède comme suppléant à la chaire de philosophie grecque et latine du Collège de France, qu'il inaugure avec un cours sur Plotin ; il en devient le titulaire en 1900. En 1904, il occupera la chaire de philosophie moderne.

Deux ouvrages, le Rire. Essai sur la signification du comique et l’Évolution créatrice, parus respectivement en 1900 et 1907, donnent lieu à des controverses qui aboutissent à une mise à l'index par l'Église, mais aussi à un curieux succès mondain qui attire le Tout-Paris aux cours de Bergson. Celui-ci est élu à l'Académie française en 1914 et divers gouvernements lui confient des missions diplomatiques pendant et après la Première Guerre mondiale. Sous le titre l'Énergie spirituelle, il publie en 1919 un recueil d'articles. Son œuvre, surtout louée dans le monde anglo-saxon, est couronnée par le prix Nobel de littérature en 1927.

Depuis 1925, Bergson souffre de rhumatisme déformant. Il rédige encore les Deux Sources de la morale et de la religion (1932), puis la Pensée et le mouvant (autre recueil d’articles [1934]). Lui qui s’était rapproché du catholicisme refuse de rompre avec le judaïsme devant la montée de l’antisémitisme et meurt en pleine Occupation.

Le penseur de l'intuition

Toute philosophie, dit Bergson, « se ramasse en un point unique », son intuition initiale et centrale. Pour lui, il s’agit de la durée, qui est la réalité même. Par durée, il faut entendre « la forme que prend la succession de nos états de conscience quand notre moi se laisse vivre, quand il s’abstient d’établir une séparation entre l’état présent et les états antérieurs » (Essai sur les données immédiates de la conscience). Ces états sont des moments qualitatifs qui s’opposent aux quantités se juxtaposant dans l'espace. Du fait que le quantitatif seul se mesure, la science ne pourra pas atteindre les états de conscience. Aussi la qualité – donc tout fait psychique –, rebelle à la mesure, n'est-elle accessible qu'à l'intuition, érigée par Bergson en véritable méthode philosophique. « C’est à l’intérieur même de la vie que nous conduit l’intuition. »

La thèse centrale de Matière et mémoire est résumée par Bergson lui-même dans l'« image du cône ». C'est sur le plan de l'action, de la matière, du présent que le corps agit grâce aux souvenirs accumulés, qui constituent sa mémoire, son expérience. Mais, à mesure que la conscience, se désintéressant de l'action, quittera ce plan, elle s'élèvera d'une simple répétition mécanique du passé dans l'acte habituel à une véritable représentation de celui-ci dans les divers degrés du souvenir. Ainsi, le souvenir, né de l'inattention à la vie, manifeste l'infinie contractibilité de la durée, puisqu'un souvenir quasi instantané peut pourtant ressusciter de vastes portions du passé. Inversement, la matière, du fait de sa rigidité, ne peut que répéter le passé, et cette répétition occupera le même temps que l'original.

L'Évolution créatrice montre comment la durée règne dans l'univers lui-même. Rejetant mécanisme et finalisme en biologie, Bergson se rattache à une sorte de néo-lamarckisme. Puissance de métamorphose, la vie est entraînée par l'élan vital dans des séries divergentes de transformations, qui, après que la durée s'est scindée en matière et vie, l'orientent elle-même vers la vie végétale et la vie animale, l'animal vers l'instinct et vers l'intelligence, celle-ci enfin vers l'action technique et vers la compréhension intuitive. C'est ce mouvement de différenciation que les Deux Sources de la morale et de la religion poursuivent sur le terrain de la vie sociale.

Le philosophe et le banquier

Henri Bergson et le banquier Albert Kahn (1860-1940), Alsacien ayant choisi la France après la guerre franco-allemande, échangèrent, entre 1879 et 1893, une correspondance qui retrace l’histoire de leur amitié. Celle-ci commença par une relation de maître à élève entre deux hommes cependant du même âge, que rapprocha ensuite leur foi humaniste et pacifiste. Hommes également engagés dans l’histoire de leur temps, Albert Kahn a fondé plusieurs sociétés philanthropiques, tandis que Bergson fut mandaté par la SDN pour diriger l’Institut de coopération intellectuelle qui devait donner naissance à l’Unesco.