risques naturels et technologiques

Le Perbuatan, Indonésie
Le Perbuatan, Indonésie

Événements à caractère de catastrophe, probables mais non forcément prévisibles, dus soit au déchaînement des forces de la nature (risques naturels), soit à la proximité d'activités humaines dangereuses (risques technologiques).

La nature et l'homme

Les risques naturels varient selon les continents, selon le sol et le sous-sol, le relief et le climat. Il n'y a pas de séisme sans zone de faille ou de cyclone loin des mers tropicales. Ce sont des risques généralement indépendants de l'intervention humaine. Cependant, la densité de population et l'urbanisation en sont des facteurs aggravants dans les régions volcaniques, dans les bassins fluviaux et dans les zones côtières.

Les risques technologiques sont pour leur part des risques permanents ou accidentels, directement liés à l'activité de l'homme, qui peut les aggraver par son imprévoyance ou au contraire les limiter par des mesures de sécurité préalables. Ces risques peuvent avoir des conséquences graves pour la santé des individus, pour leurs biens ou pour l'environnement.

En réalité, la société moderne accepte de plus en plus difficilement le risque en raison de son coût humain et financier. On cherche à l'identifier, à le prévenir et à le diminuer. À cette fin, une nouvelle discipline se développe : la cindynique (du grec kindunos, « danger »). Les cindyniques sont des experts du danger.

Le coût de quelques catastrophes récentes

LE COÛT DE QUELQUES CATASTROPHES RÉCENTES
Nature de la catastrophe Pays ou région (date) Coût estimé (en euros*)

Inondations

Chine (été 1998)

30 milliards

Tremblement de terre

Région d'Izmit en Turquie (août 1999)

2 milliards

Ouragan Floyd

Côte est des États-Unis (septembre 1999)

2,5 milliards

Tremblement de terre

Taïwan (septembre 1999)

1 milliard

Typhon Bart

Sud du Japon (septembre 1999)

3 milliards

Tempêtes Lothar et Martin

Europe de l'Ouest (décembre 1999)

8 milliards

Tsunami

Asie du Sud-Est (décembre 2004)

7 milliards (dont 624 millions pour le secteur de la pêche et de l'aquaculture)

Ouragan Katrina

La Nouvelle-Orléans (août 2005)

24 milliards

Tremblement de terre

Cachemire (octobre 2005)

6 milliards

* Il s'agit du coût des dommages assurés. Le coût économique global des catastrophes est parfois cinq ou six fois supérieur.

Les risques naturels

Définition

La notion de risque naturel se distingue de celle de phénomène naturel. Les phénomènes naturels peuvent être de nature atmosphérique (froid, chaleur, orages violents, tempêtes, rayonnement solaire, inondations, avalanches…) ou géologique (séismes, activités volcaniques, inondations, mouvements de terrain, raz de marée…). Un risque naturel découle de la conjonction d'un phénomène naturel (aléatoire) et de la présence de biens ou d'activités vulnérables. Ainsi, un orage de très forte intensité entraîne un risque faible dans une zone déserte ou peu habitée, tandis que des pluies d'intensité moyenne peuvent provoquer des dommages considérables si elles surviennent dans des villes.

En France, la notion de catastrophe naturelle, telle qu'elle définie par la loi n° 92-665 du 16 juillet 1995, est liée à l'existence de dommages importants ayant eu pour cause déterminante « l'intensité anormale d'un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n'ont pu empêcher leur survenance ou n'ont pu être prises ». L'état de catastrophe naturelle est constaté par un arrêté ministériel qui détermine les zones et les périodes où s'est produite la catastrophe.

Les catastrophes naturelles sont, en dehors des maladies, les événements qui provoquent le plus grand nombre de victimes et les dommages les plus importants : dans le monde, de 1980 à 1990, elles ont coûté la vie à plus de 8 millions de personnes, bouleversé l'existence d'au moins 2 milliards d'autres et entraîné des dégâts matériels immédiats supérieurs à 75 milliards d'euros. On constate d'ailleurs depuis 1970 une augmentation régulière du nombre annuel des catastrophes naturelles dans le monde, et des dégâts qu'elles provoquent, sans doute plus en raison des facteurs anthropiques (dûs à l'action de l'homme, comme l’extension des zones urbanisées et des activités dans les zones exposées, les déboisements massifs, etc.) que de l'augmentation de l'intensité ou de la fréquence des phénomènes. Certains experts avancent que cette « accumulation notable d'événements atmosphériques extrêmes peut être une indication que le réchauffement global conduit à une exacerbation des risques de catastrophes naturelles dans de nombreuses régions » et qu'il « devient quasi inévitable qu'une poursuite des changements climatiques causés par l'homme amène plus de phénomènes naturels extrêmes et par là plus de pertes importantes dues aux catastrophes. »

Typologie des risques naturels

Ce type de risque tient à la manifestation, avec une intensité anormale, d'un agent naturel sur une région habitée. Sont dits risques naturels :
– les inondations dues à la crue d'un fleuve ou à la saturation des nappes phréatiques ;
– les ruissellements de boue, notamment sur des pentes fragilisées par la déforestation, les glissements ou effondrements de terrain ;
– les feux de forêt ;
– les éruptions volcaniques (→ volcan) ;
– les séismes, dans la proximité des zones de friction des plaques tectoniques ;
– les raz de marée et les tsunamis ;
– les cyclones et, dans les régions continentales, les tornades ;
– les avalanches, masses de neige ou de glace en mouvement ayant une vitesse supérieure à 1 m/s ;
– les pluies diluviennes, comme celles de la mousson ou celles qui résultent de l'influence du courant tropical El Niño.

Les catastrophes climatiques liées à El Niño en 1982-1983

Catastrophes climatiques liées à « El Niño » en 1982-1983



La fin de l'année 1982 et le début de l'année 1983 ont été marquée par nombreuses catastrophes climatiques liées à « El Niño » :
– Philippines : sécheresse dans le sud du pays ;
– Indonésie : sécheresse ;
– Polynésie : cyclones ;
– Pérou (nord du pays) : 3 m d'eau en six mois et la Chosica détruite par un torrent de boue ;
– Salvador : cyclone sur le littoral ;
– Brésil : pluies diluviennes ;
– Argentine : 20 000 km2 de terres inondées ;
– États-Unis : tempêtes et fortes précipitations dans l'Utah, tornades dans l'est du Texas. Le Mississippi déborde et inonde 240 000 ha de terres ;
– France : tempête. Inondations dans le Sud-Ouest et dans la vallée de la Saône ; inondation dans le Pays basque ;
– Afrique : très grande sécheresse dans toute la région du Sahel et en Éthiopie ;
– Inde : sécheresse sur une zone où vivent 260 millions de personnes ;
– Australie : sécheresse et tempêtes de sable ;
– Japon : cyclone ;
– Chine : inondations dans le Sud.


Catastrophes naturelles d’envergure exceptionnelle

De toutes les catastrophes naturelles qui se sont produites, l'une des plus meurtrières a été le tsunami du 26 décembre 2004 en Asie du Sud-Est, provoqué par un séisme sous-marin dont l'épicentre était situé au large de Sumatra – l'un des plus violents jamais enregistrés dans le monde, avec une magnitude de 9 sur l'échelle ouverte de Richter. Entraînant la destruction de 580 000 habitations, le tsunami a fait plus de 230 000 morts (dont 50 000 disparus) et 500 000 blessés sur le littoral principalement de l'Indonésie (132 000 morts), mais aussi de la Thaïlande, du Sri Lanka, de l'Inde et des îles Maldives, et a fait sentir ses effets jusque sur la côte orientale de l'Afrique. Son coût économique à court et long terme est également d'une exceptionnelle ampleur. En mars 2011, le tsunami qui a suivi le séisme de magnitude 9 au Nord-Est du Japon a causé la mort et la disparition de plusieurs dizaines de milliers de personnes.

Le 29 août 2005, l'ouragan Katrina, qui a touché les côtes de la Louisiane (États-Unis), a provoqué la destruction immédiate de plus de 5 500 maisons dans les quartiers bas de La Nouvelle-Orléans, puis la rupture de digues qui a elle-même entraîné la formation d'un flux marin dévastateur.

Le 12 mai 2008, un séisme de magnitude proche de 8 sur l’échelle de Richter a ravagé l’ouest de la Chine (région de Chengdu, dans le Sichuan), faisant avec ses répliques (de magnitude supérieure ou égale à 6 sur l’échelle de Richter) près de 90 000 victimes et détruisant plus de 350 000 édifices.

Maîtrise des risques naturels

Vulnérabilité

De nombreuses régions du monde sont vulnérables aux risques naturels :
– zones de montagne (Himalaya, Alpes, cordillère des Andes…) ;
– zones de confrontation de plaques tectoniques (plaques Afrique contre Europe, plaques Inde contre Asie, arc circum-Pacifique…) ;
– zones tropicales génératrices de cyclones ;
– vallées alluviales (Nil, Mississippi, fleuves chinois) ;
– pays de mousson (Bangladesh, Inde, Asie du Sud-Est).
– En France, les régions les plus vulnérables sont les départements et territoires d'outre-mer (forte zone sismique aux Antilles; volcans en Guadeloupe, Martinique et Réunion; cyclones; inondations; érosion, etc.), les Alpes et les Pyrénées (avalanches, inondations, mouvements de terrain, séismes), les vallées alluviales, les zones karstiques (régions calcaires comme dans le sud du Massif central et le Sud-Est), les régions d'anciennes cavités souterraines (Nord, Normandie, Aquitaine, Île-de-France), etc. Plus de 10 500 communes françaises sont vulnérables aux avalanches, séismes, mouvements de terrain et inondations par débordement de cours d'eau.

Prévoir l’imprévisible

Les phénomènes naturels étant imprévisibles, les hommes se sont généralement installés sans en tenir compte (en particulier le long des cours d'eau) et les ont d'abord perçus comme un bienfait de la terre nourricière ou l'expression de forces surnaturelles. Les interrogations des philosophes du xviiie s. (Voltaire et son poème sur le désastre de Lisbonne) traduisent les premières tentatives d'accommodation et de transformations permises par les progrès de la science. Mais ce n'est qu'au milieu du xxe s., lorsque les mécanismes des phénomènes naturels ont commencé à être mieux connus (grâce, par exemple, à l'hypothèse de la tectonique des plaques, aux progrès de la géologie ou à l'application des probabilités aux observations) et que les agglomérations humaines se sont considérablement développées, que les risques naturels sont devenus une des données de l'aménagement du territoire.

Les caractéristiques de la plupart des phénomènes naturels sont telles que la probabilité de leur survenance décroît lorsque augmente leur intensité : plus une catastrophe naturelle est forte, plus elle est rare. Pour certaines d'entre elles, comme les crues ou les mouvements de terrain, des lois mathématiques liant une de leurs caractéristiques (par exemple le débit d'un cours d'eau ou la hauteur du plan d'eau) à la probabilité de dépassement d'une intensité ont pu être établies ; ainsi, sur la Loire à Orléans, le débit d'une crue survenant en moyenne une fois tous les 10 ans est de 3 000 m3/s, alors que le débit d'une crue survenant en moyenne une fois tous les 100 ans est de 6 400 m3/s. Toutefois, de telles lois ne peuvent être déduites que d'observations, donc de mesures qui doivent être nombreuses et précises pour les rendre fiables, surtout pour les phénomènes rares. Des modèles physiques réduits de la réalité permettant d'imiter certains phénomènes naturels peuvent également être réalisés pour la conception d'ouvrages ou de travaux. Les différentes études des scientifiques peuvent aider à la compréhension, à la prévision et à la prévention des catastrophes naturelles.

La prévision s'appuie en premier lieu sur l'historique des phénomènes naturels (causes, fréquence, déroulement, intensité, conséquences) et sur les études géologiques : des modèles sont élaborés, qui précisent par exemple des trajectoires ou des élévations de niveau.

L'espace au secours de la Terre

Mais, de plus en plus, c'est la technologie spatiale qui est mise à contribution : avant la catastrophe, pour réduire la vulnérabilité des personnes et des biens grâce aux observations satellitaires ; pendant la catastrophe, pour fournir une aide aux services de la sécurité civile et aux équipes de sauvetage grâce aux télécommunications spatiales, qui permettent de désengorger les réseaux terrestres. Ainsi, la prévision des cyclones s'est généralisée en même temps que les satellites d'observation météorologiques. De même, la prévision des tremblements de terre, des éruptions volcaniques et des tsunamis fait appel à des micro-satellites tels que ceux qui sont utilisés dans le cadre de la mission Demeter pour caractériser les signaux électromagnétiques associés à ces phénomènes. Outre l'imagerie satellitaire, la technique de l'interférométrie radar est sollicitée pour la cartographie des déplacements de plaques tectoniques et celle des failles les plus importantes.

La Charte internationale Espace et Catastrophes, entrée en vigueur le 1er novembre 2000, prévoit la mise en commun de leurs ressources en images au service de la prévision par l'Agence spatiale européenne, le Centre national d'études spatiales, l'Agence spatiale canadienne, l'Organisation indienne de recherche spatiale et la National Oceanic and Atmosphere Administration, aux États-Unis.

Les procédures de prévention des catastrophes

La prévention des risques naturels (gérée, en France, depuis 2001, par le Comité interministériel de prévention des risques naturels majeurs) a pour objectif de limiter les pertes humaines et les dommages matériels.

Protection des populations

La protection des populations résulte de la mise en place de dispositifs d'alerte. Être averti à temps du danger de survenance d'un phénomène naturel implique :
– l'existence d'un service public ou d'un organisme chargé de ce travail ; il ne s'en constitue pas facilement, en raison de la responsabilité importante qui leur incombe et du coût financier ;
– la connaissance des signes avant-coureurs des catastrophes (par exemple, relation entre l'intensité des pluies et la hauteur d'eau dans les rivières) ; elle n'est pas toujours facile à établir (tremblements de terre) ;
– l'observation des phénomènes à des intervalles de temps suffisamment rapprochés pour ne pas manquer ces signes précurseurs ; des progrès significatifs ont été obtenus grâce aux mesures automatiques, au développement des transmissions et à l'emploi de l'informatique.

Protection des habitations

Cette prévention passe notamment par une meilleure gestion de l'urbanisme dans les zones les plus menacées. En France, un plan de prévention des risques naturels (PPR), établi sous la responsabilité de l'État, délimite les zones sujettes à un risque naturel : il permet d'interdire tout type de construction sur ces zones, ou d'en réglementer l'usage ; il définit aussi les mesures à prendre par les collectivités publiques et les particuliers. Le PPR est subordonné à une enquête publique et à l'avis du conseil municipal ; il fait ensuite l'objet d'un arrêté préfectoral.

Protection des infrastructures

La protection, des infrastructures résulte pour sa part de la mise en place d'innovations architecturales (constructions antisismiques) et de travaux de sécurisation des terrains (ouvrages paravalanches, bassins de rétention des eaux de crues, bandes coupe-feu, débroussaillage ou reboisement, etc.). Les différentes mesures techniques de prévention sont adoptées spontanément par les entreprises ou imposées par les autorités administratives. Les matériels retenus doivent répondre à certaines conditions de fiabilité et de sécurité (circuits et appareils électriques antidéflagrants ou à sécurité intrinsèque), des mesures localisées doivent être intégrées dans la conception du procédé de fonctionnement (détection d'élévations de température, de frottements, de concentrations anormales et dispositifs d'arrêt d'urgence). L'ensemble de ces dispositions doit permettre que la défaillance d'un élément du dispositif s'avère insuffisante pour être à l'origine d'un processus accidentel.

En milieu industriel (nucléaire, chimique, biotechnologique), la prévention implique la réalisation d'une étude des dangers présentés par l'installation, le recensement des diverses catégories de défaillances possibles (y compris par malveillance ou attentat). Elle doit se traduire par diverses mesures : double système de vanne, confinement des produits qui peuvent s'échapper accidentellement, etc. Des cuvettes étanches placées sous les réservoirs et canalisations de liquides à la température ordinaire peuvent jouer ce rôle ; des enceintes de confinement physique (par exemple en béton résistant aux conséquences d'un incendie ou d'une explosion) peuvent assurer cette fonction face à des émanations gazeuses toxiques ou explosives.

Dans le domaine des biotechnologies, la dispersion de micro-organismes dans l'environnement peut être prévenue par des dispositions d'ordre physique (travail en cellules étanches, salles « blanches » à air filtré avec sas d'entrée/sortie pour les personnels et les matériels). Un confinement « biologique » peut aussi être utilisé : les micro-organismes mis en œuvre au cours des réactions et manipulations sont alors modifiés pour les rendre inaptes à synthétiser un produit (souvent un acide aminé) indispensable à leur survie, empêchant ainsi toute multiplication.

L'éloignement des installations dangereuses des immeubles d'habitation ou recevant du public ressortit également à la prévention. Ces distances d'isolement, établies de longue date dans l'industrie pyrotechnique et pour les stockages de chlore et d'ammoniac, doivent l'être pour les gaz de pétrole liquéfiés.

Assurances et responsabilités

En France, les conditions d'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles sont prévues par la loi du 13 juillet 1982. Les souscripteurs d'un contrat d'assurance dommages ou perte d'exploitation peuvent être indemnisés si l'événement donne lieu à une déclaration d'état de catastrophe naturelle. L'initiative en revient aux pouvoirs publics, qui en font le constat par arrêté interministériel publié au Journal officiel. Le financement de cette forme de solidarité résulte de la surprime payée pour chaque contrat (habitation, automobile ou autre). La Caisse centrale de réassurance permet d'équilibrer les risques entre les compagnies. Ainsi 3 milliards de francs (457 millions d'euros) ont été versés par l'État en 1999, année de grandes catastrophes (avalanche de Montroc, cyclones de Guadeloupe et de Martinique, inondations dans le Midi, tempête de décembre).

Il arrive que l'on recherche des responsabilités individuelles, quand une faute humaine est à l'origine de la catastrophe ou en a aggravé les conséquences. Des personnes physiques ou morales peuvent alors être condamnées pour mise en danger de la vie d'autrui : ce peut être le cas de skieurs hors piste qui déclenchent une avalanche ou d'autorités qui accordent des permis de construire au mépris des règles de précaution.

Les risques technologiques

Définition et enjeux

Distingué du risque naturel, indépendant des activités humaines, le risque technologique découle de l'action de l'homme à travers l'existence d'ouvrages, l'exploitation d'installations artificielles ou l'exercice d'activités économiques.

Le « risque technologique majeur » est un enjeu à la fois par les conséquences directes sur les personnes, les biens et l'environnement, mais aussi par les conséquences indirectes et les effets déstabilisants sur les systèmes industriels et sociaux. Ainsi, les grands accidents technologiques connus (explosion de la poudrerie de Grenelle en 1794, plus de 1 000 morts ; catastrophe minière à Courrières en 1906, au moins 1 200 morts ; rupture du barrage de Malpasset en 1959, 424 morts ; incendie de la centrale nucléaire de Tchernobyl en Ukraine, etc.) ont entraîné – outre des pertes en vies humaines, des dégâts matériels et des pertes économiques – des remises en cause de certaines pratiques industrielles ou de procédures techniques (contrôle de leur mise en œuvre, notamment).

Les accidents industriels récents – Seveso (Italie, 1976), pas de victimes, mais de nombreuses personnes intoxiquées ; Mexico (Mexique, 1984), plus de 500 morts ; Bhopal (Inde, 1984), environ 8 000 morts dans les deux premières semaines qui ont suivi la catastrophe ; Tchernobyl (1986), 56 morts directement imputables à la catastrophe, et des milliers de personnes intoxiquées ; Toulouse (2001), 30 morts – ont également révélé la très grande sensibilité du public aux accidents impliquant les industries nucléaire et pyrotechnique, la chimie et la pétrochimie avec des produits communs tels le chlore et l'ammoniac, les gaz de pétrole liquéfiés et les gaz combustibles, les hydrocarbures ou le développement des biotechnologies (crainte de la dissémination de micro-organismes modifiés qui auraient des effets pathogènes et contribueraient à la rupture de certains équilibres écologiques). Ces secteurs d'activités, associés à ceux des grands ouvrages (barrages) et aux transports des matières dangereuses, constituent des risques technologiques majeurs. Ceux-ci concernent, en France, les barrages de plus de 20 m de hauteur, les installations nucléaires (centrales nucléaires, usines de fabrication et de retraitement de combustibles) et les usines chimiques visées par les directives communautaires « Seveso » : la première, datant de 1982, « relative aux risques d'accidents industriels majeurs », a été suivie en 1996 d'une nouvelle directive, « Seveso II », élargissant le champ des activités concernées et durcissant les obligations des industriels. En 2001, le nombre des sites à haut risque, dits à « seuils hauts », s'élevait à environ 400, tandis que 1 250 sites étaient couverts par la classification « Seveso II ».

D'autres risques technologiques sont qualifiés de « diffus » ou « domestiques », telles les intoxications ou asphyxies dues au défaut de fonctionnement de chauffe-eau au gaz (plus de cent décès par an en France). Malgré leur nombre, ils n'ont pas le retentissement des accidents technologiques majeurs ; ils peuvent susciter des interventions au niveau du contrôle des produits mis en vente, mais généralement pas de remise en cause de procédés industriels, ni d'émotion publique ou de mouvements de société. Enfin, le thème des pluies acides, qualifié de « risque au ralenti », témoigne aussi de la naissance d'appréhensions dont la perception rejoint également celle du « risque majeur », même si les manifestations de ce risque n'ont pas la rapidité ou la brutalité de l'accident technologique, la rupture de barrages, l'incendie ou l'explosion.

Le risque technologique majeur se caractérise donc par la juxtaposition d'un inconvénient ou d'un dommage potentiel et d'un niveau de conscience de l'ampleur et des causes du danger tel qu'il peut mener à des mouvements populaires, qui peuvent se traduire par une déstabilisation du tissu social ou par la remise en cause de certaines technologies.

Typologie des risques technologiques

Le risque industriel

Il est propre aux activités qui consistent à fabriquer, à transformer ou à stocker des matières dangereuses (explosifs, défoliants, produits corrosifs ou inflammables). Il s'observe principalement dans les secteurs de l'industrie chimique et pétrochimique. L'agroalimentaire est concerné tant du point de vue du stockage que de la consommation de produits tels que les engrais et les farines animales (encéphalopathie spongiforme bovine). L'industrie du vivant est également concernée en raison des risques de dissémination de germes infectieux dont elle peut être la source soit par accident, soit par fait de guerre (la guerre bactériologique), soit encore par attentat (bioterrorisme, terrorisme).

En France, plusieurs catastrophes ont marqué les esprits :
– le 4 janvier 1966, à Feyzin, près de Lyon, une erreur de manipulation dans une raffinerie de pétrole a été à l'origine d'une fuite de propane : 11 réservoirs ont été détruits, 18 personnes ont trouvé la mort et 84 ont été blessées, dont de nombreux pompiers, 1 475 habitations ou installations ont été endommagées ;
– le 21 septembre 2001, l'explosion de l'usine pétrochimique AZF de Grande-Paroisse, à Toulouse, a fait 30 morts, 1 170 blessés et provoqué des dégâts d'une ampleur sans précédent dans la ville elle-même et dans toute son agglomération. Le débat national qui s'en est suivi a montré la nécessité d'une loi destinée à assurer une meilleure maîtrise de l'urbanisation à proximité des usines à risque, à renforcer la protection des salariés et à ouvrir largement l'information aux riverains.

En Italie, l'accident de Seveso, le 10 juillet 1976, a eu pour origine un nuage de dioxine : plus de 200 personnes ont été intoxiquées (et les risques de cancers multipliés) et de nombreux animaux ont dû être abattus ; il en a résulté la directive Seveso. En Inde, la catastrophe de Bhopal, le 3 décembre 1984, a entraîné la mort (officiellement) de 8 000 personnes dans les deux premières semaines qui ont suivi la catastrophe.

Le risque nucléaire

Il est inhérent à l'usage militaire et civil de l'atome. L'Agence internationale de l'énergie atomique classe les risques selon une échelle de gravité de 1 à 7 :
– le niveau 1 correspond à une anomalie de fonctionnement sans conséquence radioactive ;
– le niveau 5 correspond à un accident présentant des risques pour l'environnement sous l'effet d'une émission de radioactivité liée à de graves dommages subis par l'installation (exemple de la catastrophe de Three Mile Island, aux États-Unis, en 1979) ;
– le niveau 7 est atteint en cas d'accident conduisant au rejet d'une part importante des éléments radioactifs dans l'atmosphère, rejet qui entraîne une grave contamination des êtres vivants et de l'environnement dans un large rayon. Ce dernier cas est celui qui s'est produit à Tchernobyl, en Ukraine, le 26 avril 1986 : le nuage radioactif issu de l'explosion a recouvert l'Europe centrale et orientale, mais a aussi touché l'Europe du Nord et de l'Ouest.

Autres risques majeurs

Le transport de substances dangereuses ou polluantes, par route, voie ferrée, fluviale ou maritime est générateur de risques. En matière de pollution marine, la France a connu deux des plus grandes catastrophes de l'histoire du transport pétrolier : en 1978, avec le naufrage de l'Amoco Cadiz ; en 1999, avec celui de l'Erika. En 2002, le Prestige, qui a sombré avec sa cargaison de fioul au large des côtes espagnoles de Galice, a été la source d'une nouvelle pollution touchant principalement le littoral français du golfe de Gascogne et s'étendant jusqu'au sud de la Bretagne.

Les barrages hydroélectriques offrent un autre type spécifique de risques. On en compte 16 000 dans le monde, mais on ne déplore en moyenne qu'une rupture par an. En France, celle du barrage de Malpasset, près de Fréjus (Var), le 2 décembre 1959, a entraîné la mort de 424 personnes.

Le classement des installations en France

C'est l'État qui exerce la police des installations classées par l'intermédiaire des préfets en vue de protéger l'environnement. La loi de référence est celle du 19 juillet 1976, qui concerne toutes les activités industrielles, le traitement des déchets et les élevages intensifs, mais non les sites nucléaires et miniers.

Les installations sont, selon les risques qu'elles présentent, assujetties à un régime juridique de déclaration ou d'autorisation. L'autorisation est obligatoire dans le cas des activités les plus polluantes ou les plus dangereuses (64 000 établissements concernés). L'exploitant doit fournir au préfet un dossier qui comprend notamment une étude d'impact et une étude de danger. L'étude d'impact indique les effets directs ou indirects de l'activité sur l'environnement et sur la santé de la population ; elle peut être assortie de mesures pour réduire ou supprimer ces effets. L'étude de danger inventorie les sources de risque, examine les scénarios d'accidents possibles et fait les propositions susceptibles de prévenir les dangers ou d'en atténuer les conséquences ; cette étude, qui doit être réactualisée au moins tous les cinq ans, peut être complétée à la demande du préfet par une expertise confiée aux soins d'un organisme indépendant. Si un établissement comporte plusieurs installations, des études de danger sont menées pour chacune d'elles.

L'inspection des installations classées, qui relève de la Direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (DRIRE), vérifie le respect des prescriptions techniques. On procède à la consultation des collectivités locales concernées et à une enquête publique. Si le préfet autorise l'exploitation, il peut le cas échéant lui imposer des normes (rejet, bruit, etc.). Des sanctions pénales peuvent être prononcées à l'égard de la personne qui exploite une installation classée sans autorisation légale ou en infraction avec les prescriptions. Après mise en demeure de l'exploitant, le préfet peut aussi prendre des sanctions administratives, pouvant aller jusqu'à la suspension du fonctionnement.

Les directives Seveso

En 1982, la directive européenne dite « directive Seveso » a mis en œuvre un dispositif global de gestion des risques : réalisation d'une étude de danger, renforcement de la sûreté des installations, délimitation de périmètres de protection, élaboration de plans de secours, obligation d'informer les riverains. Ce dispositif concernait alors 371 établissements des industries chimique, pétrolière ou gazière.

Une directive Seveso II (datant du 9 décembre 1996 et reprise dans le droit français par le décret du 20 mars 2000 et l'arrêté ministériel du 10 mai 2000 relatifs à la prévention des accidents majeurs) a remplacé la première directive. Visant à renforcer et à harmoniser à l'échelon européen la protection des personnes et de l'environnement, elle couvre un champ plus large, puisqu'elle concerne toutes les entreprises utilisant des matières dangereuses ; elle s'applique aussi aux infrastructures desservant les entreprises et précise les mesures à prendre pour les établissements dits « à hauts risques » et « à bas risques ». En France, 1 239 sites industriels sont classés Seveso II (dont 670 à hauts risques).

L'organisation des secours en France

Les moyens de secours

Au niveau national, c'est la Direction de la défense et de la sécurité civile (DDSC), relevant du ministère de l'Intérieur, qui contrôle les services chargés des secours, les moyens d'intervention de la sécurité civile, la prévention des risques civils de toute nature, l'assistance aux services d'incendie et de secours. Elle arme un centre opérationnel, le CODISC, et peut faire appel à des unités spécialisées de l'armée de terre (unités d'instruction et d'intervention de la sécurité civile) ou à des moyens de la sécurité civile (hélicoptères, bombardiers d'eau).

Au niveau départemental, les directions départementales des services d'incendie et de secours (qui disposent notamment d'une cellule mobile d'intervention chimique [CMIC]) et les services médicaux d'urgence (samus) constituent l'essentiel des moyens d'intervention, auxquels s'ajoutent, dans leur domaine particulier, les forces de police et de gendarmerie. La gendarmerie, en particulier, dispose d'unités spécialisées dans les interventions avec risque nucléaire, biologique ou chimique ; elle peut aussi être amenée à intervenir en montagne ou sur mer.

Les plans de secours

Le plan ORSEC (ORganisation des SECours) est le plus connu. Mis en œuvre soit par le Premier ministre (ORSEC national), soit par le préfet de zone (ORSEC zonal), soit par le préfet de département (ORSEC départemental), il est défini par la loi du 22 juillet 1987, relative notamment à la prévention des risques majeurs. Le plan permet de mobiliser les moyens de l'État et des collectivités publiques, et de réquisitionner des moyens privés (ambulances, autobus, engins de travaux publics, etc.). Il est organisé en cinq cellules : police-renseignement, secours et sauvetage, soins, entraide et assistance, transports et travaux, liaisons et transmissions.

Le plan rouge est mis en œuvre par le préfet en cas d'accident ou de catastrophe faisant de nombreuses victimes. Il n'est pas exclusif du plan ORSEC. S'appuyant sur un « poste médical avancé », il permet d'organiser la relève des blessés, leur répartition selon l'importance des blessures, leurs soins immédiats ou leur évacuation vers les hôpitaux.

Le plan d'opération interne

Le responsable d'un établissement présentant des risques pour les personnels, la population et l'environnement doit adopter, sous le contrôle de l'autorité préfectorale, un plan d'opération interne (POI), qui précise les mesures à prendre en cas d'accident. Ce plan prévoit l'organisation des secours, les méthodes d'intervention et les moyens ou équipements à utiliser. Il prescrit aussi les modalités d'alerte du public, des collectivités locales et des services publics. Un exercice doit être organisé au moins tous les trois ans.

Le plan particulier d'intervention

Lorsque les risques peuvent avoir des conséquences en dehors de l'enceinte de l'entreprise, un plan particulier d'intervention (PPI) est établi sous l'autorité du préfet, qui prend la direction des opérations de secours. Ce plan décrit les installations, dresse la liste des communes concernées par un éventuel accident et précise la procédure d'information de la population. Il définit les missions des services de l'État ou des collectivités territoriales (police, gendarmerie, Direction départementale des services d'incendie et de secours, samu, etc.) et prévoit les moyens de nature privée qui peuvent être mis à contribution. En cas d'accident, l'exploitant doit immédiatement alerter les autorités compétentes et prendre certaines mesures d'urgence (alerte des populations, éloignement des personnes proches du site, etc.). Le PPI doit être mis à jour tous les trois ans au moins.

L'information du public

Le Code de l'environnement stipule que les citoyens ont droit à une information sur les risques majeurs auxquels ils sont soumis dans certaines zones du territoire et sur les mesures de sauvegarde qui les concernent. Ce droit s'applique aux risques technologiques et aux risques naturels prévisibles.

Le préfet peut établir un dossier départemental sur les risques majeurs pesant sur les communes. Chacune d'elles reçoit alors un document synthétique qui récapitule les risques. Le maire doit ensuite diffuser son propre document à l'usage de ses administrés ; les trois pièces sont consultables en mairie. L'affichage dans les lieux publics des risques et des consignes vient compléter cette information due aux citoyens.