Liban : population

Liban
Liban

  • Population : 6 855 713 hab. (estimation pour 2019)

La majeure partie de la population, aujourd'hui à nette dominante musulmane, se concentre dans l'étroite plaine littorale et notamment à Beyrouth, la capitale et la plus grande ville du pays.
Les chrétiens forment un quart de la population.
Depuis 2012, des affrontements entre chiites et sunnites et un afflux de réfugiés syriens, qui représentent désormais le quart de la population totale du pays, viennent perturber les fragiles équilibres de la population libanaise.

1. La montagne libanaise : peuplement et vie traditionnelle

Parmi les montagnes littorales de l'est de la Méditerranée, le mont Liban est la plus élevée (dépassant 3 000 m) et par conséquent la plus arrosée. Il s'y ajoute une dissymétrie topographique particulièrement propice : le versant oriental est abrupt, tandis que le versant occidental est en pente relativement douce et largement ouvert aux effluves maritimes. Du côté des vents pluvieux s'étendent des plateaux sub-horizontaux ou en faible pente. Par ailleurs, l'emmagasinage et la résurgence des eaux sont assurés par une disposition lithologique favorable. Les précipitations infiltrées dans les puissantes masses sommitales de calcaires perméables jurassiques et cénomaniens réapparaissent en énormes sources au niveau des grès et des marnes du Crétacé inférieur, qui donnent également des terres fertiles et des sites cultivables de conques évasées en roches tendres à des altitudes moyennes. Enfin, la montagne libanaise bénéficie d'un contact direct avec la mer. La plaine côtière, qui, au djabal Ansariyya, en Syrie, et en Palestine, est largement développée et a tout de suite été dominée par des populations extérieures à la montagne, est ici à peu près totalement absente. Les pentes du mont Liban dominent géographiquement et politiquement les ports et les anses du littoral. Le Liban est une montagne qui a des débouchés maritimes. L'érosion quaternaire a cependant été suffisante pour qu'on n'éprouve pas de difficulté majeure à construire une rocade côtière, seul axe de circulation et d'unification longitudinal, qui aurait été impossible à réaliser en montagne (et y serait d'ailleurs sans intérêt autre que touristique) et qui assure en revanche la symbiose de la montagne et de la mer, base permanente de l'unité libanaise.

Cette association s'est réalisée une première fois dans l'Antiquité, au profit d'une civilisation maritime, la thalassocratie phénicienne. L'origine en fut le commerce du bois, richesse naturelle de la montagne, exportée vers les grands centres de civilisation du Moyen-Orient antique : Égypte (par mer) et Mésopotamie (partiellement par mer, puis par la trouée d'Alep et le cours de l'Euphrate). Les petites cités phéniciennes naquirent comme des ports exportateurs de bois, Byblos, Sidon, Tyr, Tripoli, dans les criques du littoral qu'occupent actuellement Djebail, Saïda, Sour, Tripoli et dominèrent, au début du ier millénaire avant notre ère, le commerce méditerranéen. La montagne était à peu près vide, peuplée de rares chasseurs et bûcherons. À l'époque romaine, elle restait une immense sylve, à peine éclaircie par les chemins d'exploitation forestière que jalonnent les inscriptions d'Hadrien.

La seconde expression politique de l'originalité libanaise s'est construite en revanche à partir de la montagne, peuplée comme un refuge. Le grand tournant se situe lors de la conquête islamique. Au milieu du viie s., les chrétiens maronites habitant les plaines de l'Oronte, dans la région de Homs, commencent à quitter celles-ci et à s'établir dans la vallée de la Qadicha, dans le Liban septentrional, où ils éliminent et remplacent les populations autochtones, qui devaient être peu nombreuses. Un embryon d'organisation politique apparaît dès le viiie s. Cette colonisation maronite aura son foyer principal dans le Liban septentrional, le plus massif et le plus riche en eaux. Son rattachement à la chrétienté occidentale, déjà ébauché au temps des croisades, sera définitif au xvie s. (ouverture d'un séminaire maronite à Rome en 1584), et des liens s'établiront de bonne heure avec l'outre-mer, créant le climat préparatoire de la future émigration libanaise. Une première autonomie politique sera acquise, dans le cadre de l'Empire ottoman, sous des émirs (Fakhr al-Din, 1585-1635) largement orientés vers l'Occident.

Un second élément sera constitué par les druzes, secte islamique très marginale, née en Égypte à la charnière des xe et xie s., qui se développa dans l'Hermon et qui, devant les possibilités très limitées de peuplement de cette dernière montagne, s'infiltra rapidement dans le Liban central. Totalement absents du Liban septentrional, où les maronites étaient déjà prépondérants, ils apparaissent au sud du Nahr el-Kelb jusqu'à une ligne Damour - Djezzin, dans les régions du Metn, du Kesrouan, du Chouf. Ils y sont mêlés aux chrétiens, qui redeviennent prédominants dans le Liban méridional.

Maronites et Druzes ont été conjointement à la base de l'indépendance libanaise. Il s'agit de sectes cohérentes, dynamiques. Venues toutes deux de l'extérieur, elles ont trouvé un rempart dans l'escarpe de l'abrupt oriental de la montagne. C'est là que se trouve la frontière. Derrière cet abri, la montagne a vu se développer des densités considérables (211 habitants par km2 vers 1950 ; encore 161 habitants par km2 pour la montagne seule sans Beyrouth à la même époque).

Ces populations ont réalisé un remarquable aménagement de la montagne. Solidement encadrés par leur clergé et leurs princes, établis en gros villages groupés, les maronites ont transporté dans le massif leurs techniques agricoles minutieuses de la plaine, et notamment le système des terrasses, qu'ils ont multipliées sur des pentes parfois vertigineuses, faisant du mont Liban une montagne « reconstruite ». La rançon du développement de cette puissante civilisation agricole fut en revanche le déboisement quasi total de la montagne. Si le mont Liban n'était déjà plus un grand producteur de bois d'œuvre au Moyen Âge, il alimentait encore en bois de feu et en charbon de bois les plaines voisines et Damas. Cette fonction a totalement disparu à l'époque moderne, et l'étage des forêts montagnardes de sapins et de cèdres se réduit à quelques vestiges sévèrement protégés.

Cette occupation agricole reste centrée sur la moyenne montagne. La limite supérieure de l'habitat est relativement basse, généralement située entre 1 400 et 1 500 m, montant tout à fait exceptionnellement à 1 600 et à 1 700 m. Plus que dans la rudesse et l'enneigement de l'hiver méditerranéen en altitude, la raison est à chercher dans les facteurs géologiques et hydrologiques. Les voûtes sommitales calcaires, cénomaniennes au nord ou jurassiques au sud, sont rigoureusement sèches et à peu près inhabitables. Les villages n'ont pu s'établir qu'au pied de la falaise cénomanienne, dans les hautes conques du Crétacé inférieur qui constituent la zone d'attraction maximale (entre 800 et 1 400 m). C'est là, au-dessus des gorges vertigineuses du cours inférieur des rivières, où les cavaliers ennemis ne pouvaient se risquer, que se situe le centre de gravité du peuplement. Toute la zone habitée est au-dessous de la limite supérieure de la vigne (1 700 m) et en grande partie à l'intérieur de celle de l'olivier (1 100 m).

L'économie traditionnelle de la montagne a ainsi été fondée sur une polyculture de type méditerranéen, associant les céréales et les cultures arbustives, sans irrigation. Aux arbustes vivriers (vigne, olivier, figuier) s'est ajouté le mûrier, qui a été la fortune du Liban. Il monte jusqu'à plus de 1 500 m, soit plus haut que dans d'autres montagnes méditerranéennes, en raison de l'humidité et de la nébulosité estivale. Développée en liaison avec le trafic des Échelles du Levant aux Temps modernes, la sériciculture a connu son apogée avant la Première Guerre mondiale, pour l'approvisionnement de l'industrie lyonnaise de la soie. La production dépassait alors 5 000 t de cocons. Ce fut un élément décisif de l'aisance rurale et de la constitution d'une bourgeoisie libanaise de filateurs, de courtiers et de banquiers. À côté des cultures, l'élevage du petit bétail (surtout caprins), fondé sur des migrations pastorales et humaines régulières avec hivernage dans les vallées du littoral et estivage en montagne, complète le tableau de l'économie traditionnelle.

2. L'État libanais, son équilibre géographique et humain

Une première expression politique de l'originalité libanaise fut réalisée dans le cadre de l'Empire ottoman, en 1861, sous la forme du « Petit Liban », plus ou moins protégé par les puissances occidentales, constitué en majeure partie par la montagne libanaise et associant essentiellement maronites et druzes avec la prépondérance chrétienne. Le « Grand Liban », créé après la Première Guerre mondiale, lors de la dislocation de l'Empire ottoman, traduit des conditions toutes différentes d'équilibre géographique et humain. La prédominance encore marquée de la montagne y est soigneusement compensée par d'autres éléments.

L'État libanais englobe ainsi les régions côtières, avec leurs villes portuaires, exclues du « Mont-Liban » de 1861, frange littorale étroite, mais qui s'élargit au nord-ouest dans la plaine du Akkar. Dans l'intérieur, il englobe la dépression de la Beqaa, allongée entre le Liban et l'Anti-Liban, ainsi que le versant occidental, pratiquement désert, il est vrai, de cette dernière montagne, mais aussi les pentes occidentales de l'Hermon, beaucoup plus peuplées et où une trentaine de gros villages rappellent le paysage de la montagne libanaise. Au sud, il comprend la partie septentrionale des collines de Galilée. La combinaison humaine ainsi réalisée aboutit à un équilibre subtil qui reposa sur une association complexe. Plus de 60 % de la population est musulmane (chiites et sunnites surtout, Druzes). Aux communautés traditionnelles, chrétiens maronites (environ un quart de la population) et Druzes, s'ajoutent d'abord des communautés essentiellement urbaines. Ce sont les musulmans sunnites des villes de la côte (Tripoli et Saïda en particulier ; Beyrouth, également à prédominance musulmane à l'origine, a rapidement attiré les autres communautés du pays) et les grecs orthodoxes, minorité chrétienne vivant traditionnellement à l'ombre du pouvoir, à côté des sunnites, dans les centres urbains ainsi que près de la route de Beyrouth à Damas, grand axe de circulation traditionnellement contrôlé par l'Administration. Les grecs catholiques ont un caractère urbain moins affirmé. Ils sont surtout présents dans des villes de second ordre (Sour, Sayda, Zahlé). On les trouve également à l'état résiduel dans la moyenne région du Liban méridional ainsi qu'au pied occidental de l'Anti-Liban. Les métoualis (chiites), jadis répandus dans le Liban septentrional, n'ont pu s'y maintenir, en raison de leur manque d'agressivité, et en ont été chassés au Moyen Âge par les maronites. Ils se sont réfugiés dans l'extrême sud du Liban, dans la haute Galilée libanaise ainsi que dans la Beqaa septentrionale, aride et écartée, type de mauvais pays. Ils sont la troisième communauté du pays. Les Arméniens, arrivés notamment en grand nombre lors de la Première Guerre mondiale et immédiatement après, sont nombreux dans les villes. Diverses sectes chrétiennes secondaires s'y ajoutent. Les rapports entre ces communautés ont été longtemps réglés par un équilibre politique complexe.

Les réfugiés syriens représente désormais le quart de la population totale du pays.

Pour en savoir plus, voir les articles géographie physique du Liban et activités économiques du Liban.